LA COOPERATION FRANCO-LIBANAISE EN MATIERE D’EDUCATION

Gérard Malbosc Attaché de coopération éducative Ambassade de France au LibanAprès les longues années de conflit qui ont gravement mis à mal le système éducatif libanais et compromis la formation de quantité de jeunes du pays, une vaste opération de rénovation a été lancée en 1994, qui a abouti à l’élaboration de nouveaux curricula et du programme de la Banque Mondiale intitulé à l’origine « Programme d’Education Générale», dans lequel la coopération française a décidé de s’impliquer.

 

Ainsi, le Gouvernement français a débloqué en juin 2002 12,5 M FF, soit 1,9 M €, sous forme de don, pour venir en appui au CRDP afin de créer un dispositif permanent de formation continue des enseignants, appuyé sur la formation de formateurs et sur la mise en oeuvre de 6 centres de ressources.

Le projet a été élaboré en concertation étroite avec le CRDP. Un dispositif fondamentalement différent de ce qui avait cours jusqu’alors a été imaginé en s’appuyant sur des dispositifs de formation continue d’enseignants, et plus généralement d’adultes, qui existent dans divers pays développés.

Ce dispositif doit tout à la fois

  • coller au plus près des besoins des enseignants,
  • faire appel à des formateurs de qualité,
  • se mettre en oeuvre de manière démocratique, transparente et efficace,
  • pouvoir être évolutif de façon à rester toujours performant.

Qu’est-ce que cela implique?

a) Coller aux besoins est tout d’abord très difficile, disons-le ! Tous les formateurs d’adultes le savent bien : ceux qui savent de quoi ils ont besoin professionnellement sont les gens les mieux formés. Les moins performants, soit ne sont pas conscients de leurs manques, soit sont incapables de les préciser. L’élaboration de cahiers des charges nationaux, puis régionaux,  passe donc par un vaste travail d’investigation qui ne peut être que pluricatégoriel, dont les rôles sont répartis entre les divers intervenants auprès des enseignants : Ministère de l’Education, CRDP, Inspection, DOPS, et les personnels enseignants eux-mêmes. Une méthodologie très concertée, participative, doit donc se mettre en place, avec tous les intervenants. Cette méthodologie doit pouvoir aboutir à ce qu’un établissement scolaire demande un stage spécifique et doit également déboucher sur de l’auto-formation (point d ci-dessous).

b)Trouver des formateurs de qualité n’est pas forcément la tâche la plus difficile au Liban. Mais elle reste délicate. Sur quoi faire porter l’accent ? Un premier recrutement a eu lieu en 2003, un second est en cours. Il sera complété ensuite pour atteindre vraisemblablement 360 personnes au total réparties sur tout le territoire. Ces formateurs, appelés personnes-ressource (PR), doivent pouvoir partager leur temps entre leurs classes et les formations. En effet, il est préférable de ne pas avoir de formateurs à temps plein, car ils seraient rapidement coupés du terrain. Ils recevront une formation, en France et au Liban, prise en charge par la coopération française pour les francophones, par la Banque Mondiale pour les anglophones. Il a en effet été convenu que tous les formateurs devraient posséder un niveau certain en langue étrangère, de façon à pouvoir suivre l’évolution internationale de leur discipline et des processus pédagogiques, ce quelle que soit la langue dans laquelle ils enseignent. Les formations reçues devront leur permettre d’être tout à fait performants en ce qui concerne les méthodes pédagogiques modernes, en particulier les méthodes actives, de façon à les rendre capables d’analyser les pratiques et d’évaluer eux-mêmes dans leur conduite de classe. Enfin, rien n’interdit, a priori mais selon des modalités qui restent à définir, que d’autres personnes, universitaires par exemple, interviennent également dans un stage de formation continue, selon les besoins.

c) La mise en oeuvre d’un tel dispositif nécessite énormément de bonne volonté et ce à tous les niveaux. Doit-on d’abord désigner les enseignants ou les laisser volontaires? Compte tenu de ce qui est dit plus haut, les deux devraient,  idéalement, être possibles. Il doit être régionalisé, de façon à être au plus près du terrain, des besoins des enseignants, et à être réactif. Il nécessite également une adaptation des textes réglementaires de façon à bien organiser les diverses activités liées à la mise en oeuvre du plan de formation. Des comités régionaux ont été institués, dirigés par le Directeur Régional de l’Education et auxquels participent les responsables de centres de ressources, les personnesressource,  un représentant de l’inspection, un de la DOPS, un de la coopération française, des représentants des enseignants et des chefs d’établissement…Ces comités régionaux doivent élaborer le cahier des charges régional, base du plan conçu ensuite par les personnes-ressource et validé par le comité régional avant sa mise en oeuvre par les PR. Ces plans régionaux prennent eux-mêmes appui sur un cahier des charges national, déterminé par les autorités éducatives du pays. Toutes les formations dispensées auprès des enseignants du public doivent donc trouver leur place dans ce dispositif grâce au travail réalisé dans ces comités régionaux entre les différents acteurs.

d) Le dispositif imaginé combine formation par des stages disons classiques et auto-formation. Ce qui suppose d’avoir à sa disposition dans un endroit facile d’accès des ressources documentaires ainsi que des connexions aux réseaux de télécommunications modernes. La formation la plus efficace – tous les spécialistes le disent également – est celle qui vient des pairs. Il faut donc que ces centres de ressources permettent aux personnels enseignants de se rencontrer et d’échanger des documents de travail, que ceux-ci aient été élaborés par eux ou fournis par ailleurs. Ils doivent aussi pouvoir dialoguer avec les formateurs, au nombre desquels doivent figurer les documentalistes. La notion d’isomorphie,  c’est-à-dire de parallélisme des formes, est en effet là aussi centrale, comme pour la formation des PR aux méthodes modernes (cf. ci-dessus point b). En effet, les enseignants doivent pouvoir s’appuyer sur un centre de documentation (BCD) dans leur établissement scolaire comme au centre de ressources régional. Le documentaliste du CRR doit pouvoir former à l’utilisation des BCD par les enseignants avec leur classe comme par des élèves individuels.  Tout ceci doit être évolutif, disions-nous, donc réapprovisionné régulièrement. De la même manière, d’autres formateurs seront nécessaires plus tard, qui devront pouvoir être formés. Enfin, et en fonction des besoins, des imperfections constatées et des évolutions de l’éducation au Liban, le dispositif devra pouvoir s’adapter, comme tout dispositif humain.

Mais la bonne volonté de saurait suffire. Pour fonctionner, ce dispositif doit pouvoir être appuyé sur un ensemble de textes réglementaires appropriés. Ceux qui existent doivent donc être revus et adaptés aux conditions nouvelles.

La coopération française prend à sa charge la formation des formateurs francophones, l’approvisionnement en documentation pédagogique des centres de ressources régionaux et une aide au fonctionnement du Bureau de la formation du CRDP. L’ensemble de ces tâches est mis en oeuvre par l’intermédiaire d’un assistant technique français, M. Lionel Leignel, placé au CRDP, qui travaille donc en étroite relation avec cette institution et avec le service culturel de l’ambassade de France. Ils font appel au Centre International d’Etudes Pédagogiques (CIEP de Sèvres) pour mettre en oeuvre les formations et expertises nécessaires, le CIEP ayant pour charge d’identifier et d’utiliser les formateurs les plus appropriés, où qu’ils se trouvent en France. C’est donc aussi un défi pour l’Education Nationale française, relevé de manière courageuse, volontariste et, je crois, efficace.

Ce projet doit bien entendu être étroitement articulé avec les autres composantes du programme de la Banque Mondiale, devenu «Projet de Développement de l’Education » et avec les autres actions menées par la coopération française, voire avec d’autres projets éducatifs qui pourraient émerger si les autorités libanaises le jugeaient utile.

Ainsi, un projet de 3,250 M € a été conçu et démarre très prochainement pour renforcer les enseignements en français au sein de l’Université Libanaise. La formation initiale dispensée par cette université auprès de futurs enseignants sera donc améliorée et renforcée. A terme, le renouvellement des cadres enseignants de l’UL pourra également être accompagné grâce aux bourses de doctorat octroyées par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF).

Le Liban a fait le choix, courageux, d’un enseignement en deux langues, l’arabe et le français ou l’anglais. Beaucoup de Libanais sont maintenant trilingues, les jeunes apprenant bien l’anglais dans les écoles francophones. Mais l’inverse n’est malheureusement pas vrai.

Ce choix est aussi celui de nombreux pays qui se sont constitués sur des bases multilingues, au cours de leur histoire. Le Liban fait figure de modèle, tant le niveau général de scolarisation de la population y est élevé, comparé à d’autres pays. Mais la qualité, l’efficacité de ce système, la rentabilité pour parler comme les industriels, pourrait être améliorées.

Dans l’enseignement public, la situation est très contrastée. La coopération française entend faire porter ses efforts à l’avenir sur la formation linguistique des enseignants du public, de façon à hausser le niveau des élèves. Une fois arrivés en complémentaire, ces derniers devraient réellement être capables, après 6 années à raison de 7 périodes par semaine de français, de comprendre et de s’exprimer correctement en français. Du moins, pour suivre les cours de mathématiques et de sciences. Il faudrait également que leurs professeurs de français comme de disciplines scientifiques soient capables de bien s’adapter au niveau des élèves en langue tels qu’ils sont, de façon à ne pas les décourager et à ne pas risquer de discréditer la pratique de la langue française dans l’enseignement.

C’est la tâche qui nous attend maintenant.  Tous. Il y va de l’avenir du Liban, par la formation de la jeunesse et pour le développement général du pays. Les spécialistes estiment que la moitié des métiers qui existeront dans 30 ans nous sont totalement inconnus à l’heure actuelle. Seule une formation initiale de haut niveau pourra donc permettre l’évolution des individus et, à terme, le développement du pays.

 

LA COOPERATION FRANCO-LIBANAISE EN MATIERE D’EDUCATION

Gérard Malbosc Attaché de coopération éducative Ambassade de France au LibanAprès les longues années de conflit qui ont gravement mis à mal le système éducatif libanais et compromis la formation de quantité de jeunes du pays, une vaste opération de rénovation a été lancée en 1994, qui a abouti à l’élaboration de nouveaux curricula et du programme de la Banque Mondiale intitulé à l’origine « Programme d’Education Générale», dans lequel la coopération française a décidé de s’impliquer.

 

Ainsi, le Gouvernement français a débloqué en juin 2002 12,5 M FF, soit 1,9 M €, sous forme de don, pour venir en appui au CRDP afin de créer un dispositif permanent de formation continue des enseignants, appuyé sur la formation de formateurs et sur la mise en oeuvre de 6 centres de ressources.

Le projet a été élaboré en concertation étroite avec le CRDP. Un dispositif fondamentalement différent de ce qui avait cours jusqu’alors a été imaginé en s’appuyant sur des dispositifs de formation continue d’enseignants, et plus généralement d’adultes, qui existent dans divers pays développés.

Ce dispositif doit tout à la fois

  • coller au plus près des besoins des enseignants,
  • faire appel à des formateurs de qualité,
  • se mettre en oeuvre de manière démocratique, transparente et efficace,
  • pouvoir être évolutif de façon à rester toujours performant.

Qu’est-ce que cela implique?

a) Coller aux besoins est tout d’abord très difficile, disons-le ! Tous les formateurs d’adultes le savent bien : ceux qui savent de quoi ils ont besoin professionnellement sont les gens les mieux formés. Les moins performants, soit ne sont pas conscients de leurs manques, soit sont incapables de les préciser. L’élaboration de cahiers des charges nationaux, puis régionaux,  passe donc par un vaste travail d’investigation qui ne peut être que pluricatégoriel, dont les rôles sont répartis entre les divers intervenants auprès des enseignants : Ministère de l’Education, CRDP, Inspection, DOPS, et les personnels enseignants eux-mêmes. Une méthodologie très concertée, participative, doit donc se mettre en place, avec tous les intervenants. Cette méthodologie doit pouvoir aboutir à ce qu’un établissement scolaire demande un stage spécifique et doit également déboucher sur de l’auto-formation (point d ci-dessous).

b)Trouver des formateurs de qualité n’est pas forcément la tâche la plus difficile au Liban. Mais elle reste délicate. Sur quoi faire porter l’accent ? Un premier recrutement a eu lieu en 2003, un second est en cours. Il sera complété ensuite pour atteindre vraisemblablement 360 personnes au total réparties sur tout le territoire. Ces formateurs, appelés personnes-ressource (PR), doivent pouvoir partager leur temps entre leurs classes et les formations. En effet, il est préférable de ne pas avoir de formateurs à temps plein, car ils seraient rapidement coupés du terrain. Ils recevront une formation, en France et au Liban, prise en charge par la coopération française pour les francophones, par la Banque Mondiale pour les anglophones. Il a en effet été convenu que tous les formateurs devraient posséder un niveau certain en langue étrangère, de façon à pouvoir suivre l’évolution internationale de leur discipline et des processus pédagogiques, ce quelle que soit la langue dans laquelle ils enseignent. Les formations reçues devront leur permettre d’être tout à fait performants en ce qui concerne les méthodes pédagogiques modernes, en particulier les méthodes actives, de façon à les rendre capables d’analyser les pratiques et d’évaluer eux-mêmes dans leur conduite de classe. Enfin, rien n’interdit, a priori mais selon des modalités qui restent à définir, que d’autres personnes, universitaires par exemple, interviennent également dans un stage de formation continue, selon les besoins.

c) La mise en oeuvre d’un tel dispositif nécessite énormément de bonne volonté et ce à tous les niveaux. Doit-on d’abord désigner les enseignants ou les laisser volontaires? Compte tenu de ce qui est dit plus haut, les deux devraient,  idéalement, être possibles. Il doit être régionalisé, de façon à être au plus près du terrain, des besoins des enseignants, et à être réactif. Il nécessite également une adaptation des textes réglementaires de façon à bien organiser les diverses activités liées à la mise en oeuvre du plan de formation. Des comités régionaux ont été institués, dirigés par le Directeur Régional de l’Education et auxquels participent les responsables de centres de ressources, les personnesressource,  un représentant de l’inspection, un de la DOPS, un de la coopération française, des représentants des enseignants et des chefs d’établissement…Ces comités régionaux doivent élaborer le cahier des charges régional, base du plan conçu ensuite par les personnes-ressource et validé par le comité régional avant sa mise en oeuvre par les PR. Ces plans régionaux prennent eux-mêmes appui sur un cahier des charges national, déterminé par les autorités éducatives du pays. Toutes les formations dispensées auprès des enseignants du public doivent donc trouver leur place dans ce dispositif grâce au travail réalisé dans ces comités régionaux entre les différents acteurs.

d) Le dispositif imaginé combine formation par des stages disons classiques et auto-formation. Ce qui suppose d’avoir à sa disposition dans un endroit facile d’accès des ressources documentaires ainsi que des connexions aux réseaux de télécommunications modernes. La formation la plus efficace – tous les spécialistes le disent également – est celle qui vient des pairs. Il faut donc que ces centres de ressources permettent aux personnels enseignants de se rencontrer et d’échanger des documents de travail, que ceux-ci aient été élaborés par eux ou fournis par ailleurs. Ils doivent aussi pouvoir dialoguer avec les formateurs, au nombre desquels doivent figurer les documentalistes. La notion d’isomorphie,  c’est-à-dire de parallélisme des formes, est en effet là aussi centrale, comme pour la formation des PR aux méthodes modernes (cf. ci-dessus point b). En effet, les enseignants doivent pouvoir s’appuyer sur un centre de documentation (BCD) dans leur établissement scolaire comme au centre de ressources régional. Le documentaliste du CRR doit pouvoir former à l’utilisation des BCD par les enseignants avec leur classe comme par des élèves individuels.  Tout ceci doit être évolutif, disions-nous, donc réapprovisionné régulièrement. De la même manière, d’autres formateurs seront nécessaires plus tard, qui devront pouvoir être formés. Enfin, et en fonction des besoins, des imperfections constatées et des évolutions de l’éducation au Liban, le dispositif devra pouvoir s’adapter, comme tout dispositif humain.

Mais la bonne volonté de saurait suffire. Pour fonctionner, ce dispositif doit pouvoir être appuyé sur un ensemble de textes réglementaires appropriés. Ceux qui existent doivent donc être revus et adaptés aux conditions nouvelles.

La coopération française prend à sa charge la formation des formateurs francophones, l’approvisionnement en documentation pédagogique des centres de ressources régionaux et une aide au fonctionnement du Bureau de la formation du CRDP. L’ensemble de ces tâches est mis en oeuvre par l’intermédiaire d’un assistant technique français, M. Lionel Leignel, placé au CRDP, qui travaille donc en étroite relation avec cette institution et avec le service culturel de l’ambassade de France. Ils font appel au Centre International d’Etudes Pédagogiques (CIEP de Sèvres) pour mettre en oeuvre les formations et expertises nécessaires, le CIEP ayant pour charge d’identifier et d’utiliser les formateurs les plus appropriés, où qu’ils se trouvent en France. C’est donc aussi un défi pour l’Education Nationale française, relevé de manière courageuse, volontariste et, je crois, efficace.

Ce projet doit bien entendu être étroitement articulé avec les autres composantes du programme de la Banque Mondiale, devenu «Projet de Développement de l’Education » et avec les autres actions menées par la coopération française, voire avec d’autres projets éducatifs qui pourraient émerger si les autorités libanaises le jugeaient utile.

Ainsi, un projet de 3,250 M € a été conçu et démarre très prochainement pour renforcer les enseignements en français au sein de l’Université Libanaise. La formation initiale dispensée par cette université auprès de futurs enseignants sera donc améliorée et renforcée. A terme, le renouvellement des cadres enseignants de l’UL pourra également être accompagné grâce aux bourses de doctorat octroyées par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF).

Le Liban a fait le choix, courageux, d’un enseignement en deux langues, l’arabe et le français ou l’anglais. Beaucoup de Libanais sont maintenant trilingues, les jeunes apprenant bien l’anglais dans les écoles francophones. Mais l’inverse n’est malheureusement pas vrai.

Ce choix est aussi celui de nombreux pays qui se sont constitués sur des bases multilingues, au cours de leur histoire. Le Liban fait figure de modèle, tant le niveau général de scolarisation de la population y est élevé, comparé à d’autres pays. Mais la qualité, l’efficacité de ce système, la rentabilité pour parler comme les industriels, pourrait être améliorées.

Dans l’enseignement public, la situation est très contrastée. La coopération française entend faire porter ses efforts à l’avenir sur la formation linguistique des enseignants du public, de façon à hausser le niveau des élèves. Une fois arrivés en complémentaire, ces derniers devraient réellement être capables, après 6 années à raison de 7 périodes par semaine de français, de comprendre et de s’exprimer correctement en français. Du moins, pour suivre les cours de mathématiques et de sciences. Il faudrait également que leurs professeurs de français comme de disciplines scientifiques soient capables de bien s’adapter au niveau des élèves en langue tels qu’ils sont, de façon à ne pas les décourager et à ne pas risquer de discréditer la pratique de la langue française dans l’enseignement.

C’est la tâche qui nous attend maintenant.  Tous. Il y va de l’avenir du Liban, par la formation de la jeunesse et pour le développement général du pays. Les spécialistes estiment que la moitié des métiers qui existeront dans 30 ans nous sont totalement inconnus à l’heure actuelle. Seule une formation initiale de haut niveau pourra donc permettre l’évolution des individus et, à terme, le développement du pays.

 

LA COOPERATION FRANCO-LIBANAISE EN MATIERE D’EDUCATION

Gérard Malbosc Attaché de coopération éducative Ambassade de France au LibanAprès les longues années de conflit qui ont gravement mis à mal le système éducatif libanais et compromis la formation de quantité de jeunes du pays, une vaste opération de rénovation a été lancée en 1994, qui a abouti à l’élaboration de nouveaux curricula et du programme de la Banque Mondiale intitulé à l’origine « Programme d’Education Générale», dans lequel la coopération française a décidé de s’impliquer.

 

Ainsi, le Gouvernement français a débloqué en juin 2002 12,5 M FF, soit 1,9 M €, sous forme de don, pour venir en appui au CRDP afin de créer un dispositif permanent de formation continue des enseignants, appuyé sur la formation de formateurs et sur la mise en oeuvre de 6 centres de ressources.

Le projet a été élaboré en concertation étroite avec le CRDP. Un dispositif fondamentalement différent de ce qui avait cours jusqu’alors a été imaginé en s’appuyant sur des dispositifs de formation continue d’enseignants, et plus généralement d’adultes, qui existent dans divers pays développés.

Ce dispositif doit tout à la fois

  • coller au plus près des besoins des enseignants,
  • faire appel à des formateurs de qualité,
  • se mettre en oeuvre de manière démocratique, transparente et efficace,
  • pouvoir être évolutif de façon à rester toujours performant.

Qu’est-ce que cela implique?

a) Coller aux besoins est tout d’abord très difficile, disons-le ! Tous les formateurs d’adultes le savent bien : ceux qui savent de quoi ils ont besoin professionnellement sont les gens les mieux formés. Les moins performants, soit ne sont pas conscients de leurs manques, soit sont incapables de les préciser. L’élaboration de cahiers des charges nationaux, puis régionaux,  passe donc par un vaste travail d’investigation qui ne peut être que pluricatégoriel, dont les rôles sont répartis entre les divers intervenants auprès des enseignants : Ministère de l’Education, CRDP, Inspection, DOPS, et les personnels enseignants eux-mêmes. Une méthodologie très concertée, participative, doit donc se mettre en place, avec tous les intervenants. Cette méthodologie doit pouvoir aboutir à ce qu’un établissement scolaire demande un stage spécifique et doit également déboucher sur de l’auto-formation (point d ci-dessous).

b)Trouver des formateurs de qualité n’est pas forcément la tâche la plus difficile au Liban. Mais elle reste délicate. Sur quoi faire porter l’accent ? Un premier recrutement a eu lieu en 2003, un second est en cours. Il sera complété ensuite pour atteindre vraisemblablement 360 personnes au total réparties sur tout le territoire. Ces formateurs, appelés personnes-ressource (PR), doivent pouvoir partager leur temps entre leurs classes et les formations. En effet, il est préférable de ne pas avoir de formateurs à temps plein, car ils seraient rapidement coupés du terrain. Ils recevront une formation, en France et au Liban, prise en charge par la coopération française pour les francophones, par la Banque Mondiale pour les anglophones. Il a en effet été convenu que tous les formateurs devraient posséder un niveau certain en langue étrangère, de façon à pouvoir suivre l’évolution internationale de leur discipline et des processus pédagogiques, ce quelle que soit la langue dans laquelle ils enseignent. Les formations reçues devront leur permettre d’être tout à fait performants en ce qui concerne les méthodes pédagogiques modernes, en particulier les méthodes actives, de façon à les rendre capables d’analyser les pratiques et d’évaluer eux-mêmes dans leur conduite de classe. Enfin, rien n’interdit, a priori mais selon des modalités qui restent à définir, que d’autres personnes, universitaires par exemple, interviennent également dans un stage de formation continue, selon les besoins.

c) La mise en oeuvre d’un tel dispositif nécessite énormément de bonne volonté et ce à tous les niveaux. Doit-on d’abord désigner les enseignants ou les laisser volontaires? Compte tenu de ce qui est dit plus haut, les deux devraient,  idéalement, être possibles. Il doit être régionalisé, de façon à être au plus près du terrain, des besoins des enseignants, et à être réactif. Il nécessite également une adaptation des textes réglementaires de façon à bien organiser les diverses activités liées à la mise en oeuvre du plan de formation. Des comités régionaux ont été institués, dirigés par le Directeur Régional de l’Education et auxquels participent les responsables de centres de ressources, les personnesressource,  un représentant de l’inspection, un de la DOPS, un de la coopération française, des représentants des enseignants et des chefs d’établissement…Ces comités régionaux doivent élaborer le cahier des charges régional, base du plan conçu ensuite par les personnes-ressource et validé par le comité régional avant sa mise en oeuvre par les PR. Ces plans régionaux prennent eux-mêmes appui sur un cahier des charges national, déterminé par les autorités éducatives du pays. Toutes les formations dispensées auprès des enseignants du public doivent donc trouver leur place dans ce dispositif grâce au travail réalisé dans ces comités régionaux entre les différents acteurs.

d) Le dispositif imaginé combine formation par des stages disons classiques et auto-formation. Ce qui suppose d’avoir à sa disposition dans un endroit facile d’accès des ressources documentaires ainsi que des connexions aux réseaux de télécommunications modernes. La formation la plus efficace – tous les spécialistes le disent également – est celle qui vient des pairs. Il faut donc que ces centres de ressources permettent aux personnels enseignants de se rencontrer et d’échanger des documents de travail, que ceux-ci aient été élaborés par eux ou fournis par ailleurs. Ils doivent aussi pouvoir dialoguer avec les formateurs, au nombre desquels doivent figurer les documentalistes. La notion d’isomorphie,  c’est-à-dire de parallélisme des formes, est en effet là aussi centrale, comme pour la formation des PR aux méthodes modernes (cf. ci-dessus point b). En effet, les enseignants doivent pouvoir s’appuyer sur un centre de documentation (BCD) dans leur établissement scolaire comme au centre de ressources régional. Le documentaliste du CRR doit pouvoir former à l’utilisation des BCD par les enseignants avec leur classe comme par des élèves individuels.  Tout ceci doit être évolutif, disions-nous, donc réapprovisionné régulièrement. De la même manière, d’autres formateurs seront nécessaires plus tard, qui devront pouvoir être formés. Enfin, et en fonction des besoins, des imperfections constatées et des évolutions de l’éducation au Liban, le dispositif devra pouvoir s’adapter, comme tout dispositif humain.

Mais la bonne volonté de saurait suffire. Pour fonctionner, ce dispositif doit pouvoir être appuyé sur un ensemble de textes réglementaires appropriés. Ceux qui existent doivent donc être revus et adaptés aux conditions nouvelles.

La coopération française prend à sa charge la formation des formateurs francophones, l’approvisionnement en documentation pédagogique des centres de ressources régionaux et une aide au fonctionnement du Bureau de la formation du CRDP. L’ensemble de ces tâches est mis en oeuvre par l’intermédiaire d’un assistant technique français, M. Lionel Leignel, placé au CRDP, qui travaille donc en étroite relation avec cette institution et avec le service culturel de l’ambassade de France. Ils font appel au Centre International d’Etudes Pédagogiques (CIEP de Sèvres) pour mettre en oeuvre les formations et expertises nécessaires, le CIEP ayant pour charge d’identifier et d’utiliser les formateurs les plus appropriés, où qu’ils se trouvent en France. C’est donc aussi un défi pour l’Education Nationale française, relevé de manière courageuse, volontariste et, je crois, efficace.

Ce projet doit bien entendu être étroitement articulé avec les autres composantes du programme de la Banque Mondiale, devenu «Projet de Développement de l’Education » et avec les autres actions menées par la coopération française, voire avec d’autres projets éducatifs qui pourraient émerger si les autorités libanaises le jugeaient utile.

Ainsi, un projet de 3,250 M € a été conçu et démarre très prochainement pour renforcer les enseignements en français au sein de l’Université Libanaise. La formation initiale dispensée par cette université auprès de futurs enseignants sera donc améliorée et renforcée. A terme, le renouvellement des cadres enseignants de l’UL pourra également être accompagné grâce aux bourses de doctorat octroyées par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF).

Le Liban a fait le choix, courageux, d’un enseignement en deux langues, l’arabe et le français ou l’anglais. Beaucoup de Libanais sont maintenant trilingues, les jeunes apprenant bien l’anglais dans les écoles francophones. Mais l’inverse n’est malheureusement pas vrai.

Ce choix est aussi celui de nombreux pays qui se sont constitués sur des bases multilingues, au cours de leur histoire. Le Liban fait figure de modèle, tant le niveau général de scolarisation de la population y est élevé, comparé à d’autres pays. Mais la qualité, l’efficacité de ce système, la rentabilité pour parler comme les industriels, pourrait être améliorées.

Dans l’enseignement public, la situation est très contrastée. La coopération française entend faire porter ses efforts à l’avenir sur la formation linguistique des enseignants du public, de façon à hausser le niveau des élèves. Une fois arrivés en complémentaire, ces derniers devraient réellement être capables, après 6 années à raison de 7 périodes par semaine de français, de comprendre et de s’exprimer correctement en français. Du moins, pour suivre les cours de mathématiques et de sciences. Il faudrait également que leurs professeurs de français comme de disciplines scientifiques soient capables de bien s’adapter au niveau des élèves en langue tels qu’ils sont, de façon à ne pas les décourager et à ne pas risquer de discréditer la pratique de la langue française dans l’enseignement.

C’est la tâche qui nous attend maintenant.  Tous. Il y va de l’avenir du Liban, par la formation de la jeunesse et pour le développement général du pays. Les spécialistes estiment que la moitié des métiers qui existeront dans 30 ans nous sont totalement inconnus à l’heure actuelle. Seule une formation initiale de haut niveau pourra donc permettre l’évolution des individus et, à terme, le développement du pays.