DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES

DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES
 

Il ne s'agit plus dans le monde contemporain d'emmagasiner un savoir savant, il faut surtout apprendre à réemployer ce savoir acquis dans des pratiques. En ce sens, le choix de la progression par objectifs, intégrant à l'intérieur d'une même séquence pédagogique texte, grammaire, pratique orale et pratique écrite est intéressant. Il permet à la fois de décloisonner et de montrer l'utilité d'une notion abstraite, comme une règle de grammaire ou d'orthographe, et son intérêt pour comprendre un texte, le commenter, pour produire un texte écrit… D'ailleurs, un des principaux apports de la pédagogie de la communication, sous l'influence de la linguistique textuelle et de la psychologie cognitive, est d'avoir mis en évidence la nécessité de garantir en classe une
pratique régulière et significative du langage dans des situations variées et complètes.
Si l'apprentissage des règles n'est plus une fin en soi, il reste quand même un passage obligé, du moins dans l'apprentissage du fonctionnement d'une langue. Il est important, pour comprendre
l'esprit d'une langue, de la démonter, de l'analyser… Mais il ne faut pas que ce démontage, cette analyse deviennent une fin en soi. Le tout est de savoir reconstruire, refondre les parties en un tout cohérent. Toute la subtilité de l'enseignement de la grammaire réside là. Il faut savoir expliquer des règles particulières en les intégrant à un processus d'enseignement qui en montre les finalités, qui explique la langue comme un tout qui se tient, un système qui a sa cohérence propre.


 

 

 

I. Progression grammaticale et pédagogie par séquence
Le choix de la progression par séquences pédagogiques est certes un moyen de lier des règles abstraites à une finalité concrète, mais encore faut-il parvenir à lier les règles entre elles en respectant leur suite logique. L'élaboration de la progression à l'intérieur des séquences pédagogiques est un travail minutieux qui doit à la fois obéir à la logique des thèmes et à celle des règles d'écriture pour ne pas dégénérer en un système rigide, une nouvelle forme de cloisonnement.
Dans les nouveaux programmes, l'adoption de cette progression a entraîné le choix des règles linguistiques en fonction de l'objectif final de la séquence, sans les avoir réfléchies en fonction d'une progression interne, et surtout, sans les avoir liées entre elles. Les notions grammaticales sont ainsi étudiées d'une manière éparse qui ne permet pas de les situer dans le système
général de la langue, ce qui en donne une vision morcelée et ce qui empêche de montrer les liens logiques qu'elles entretiennent entre elles.
Travailler, par exemple, le système verbal en chapitres éparpillés dans le parcours grammatical de l'enfant : l'imparfait pour la description, le passé simple pour le récit d'évènements, est, en soi, une
excellente méthode si, toutefois, on place ces notions éparses dans le système verbal en général, si on les intègre dans les valeurs verbales qui peuvent être soit temporelles soit aspectuelles soit modales… L'enfant qui n'a pas eu cette vision globale pourra peut-être parfaitement reconnaître et utiliser le passé simple dans un récit et l'imparfait dans une description, mais sera pris de
court s'il rencontre un verbe d'action à l'imparfait ! Il n'arrivera pas à maîtriser toutes les nuances qui caractérisent le système temporel français et qui jouent souvent sur cette différence
entre temps, mode et aspect. Ce problème, nous le rencontrons souvent avec la notion d'attribut. Etudier l'attribut à partir de textes descriptifs comme une catégorie d'adjectif (épithète ou attribut) occulte les autres catégories d'attribut (le nom, le pronom, la relative, le groupe prépositionnel, l'adverbe, la construction infinitive). L'associer au chapitre sur le sujet (le sujet et l'attribut du sujet) empêche de voir en lui un complément essentiel du verbe, ce qui le rapproche plutôt du complément d'objet avec lequel on le confond souvent.
La progression par séquences peut, si l'on n'y prend garde, dégénérer en un système rigide, souvent un appauvrissement. Ne gardant que ce qui est en relation directe avec la séquence, il est des notions qui vont nécessairement revenir souvent et d'autres, beaucoup moins. Ce sont habituellement les notions les plus complexes qui sont les moins traitées, bien qu'il faille parfois leur accorder plus de temps. Il en est ainsi de la notion des subordonnées de corrélation qui expriment la conséquence, la comparaison, que l'on néglige souvent dans les manuels et qui sont pourtant communément utilisées dans le récit et surtout dans l'argumentation. (parallélisme, phénomène de cause à effet…)

De plus, il arrive que la séquence ne permette d'éclairer qu'un aspect de la notion. Prenons l'adjectif qualificatif. Nous associons directement l'étude de l'adjectif qualificatif à la description et au portrait, pourtant l'adjectif qualificatif peut jouer un rôle important dans le récit d'évènements et même dans l'argumentation. Il est l'un des outils de l'ironie.


 

 

 

II. La notion de grammaire textuelle
Parlons de la grammaire dite textuelle. Il nous faut d'abord introduire une clarification, la grammaire textuelle n'est pas faire de la grammaire à partir d'un texte. C'est un aspect de la
grammaire nouvelle influencé par la linguistique textuelle laquelle a contribué à éclairer les mécanismes qui, au-delà de la phrase, sont responsables de l'organisation d'ensemble des
discours. Grâce à la linguistique textuelle, la didactique des langues a pu, dans les années quatre-vingts, disposer de meilleures connaissances sur les structures générales des textes (explicatif,
argumentatif, poétique…). L'analyse des textes a intégré de nouveaux concepts tels que la cohérence, l'anaphore et les mécanismes de reprise, les connecteurs et les organisateurs textuels ou encore la progression thématique.
A la grammaire de la phrase, à laquelle la pédagogie traditionnelle avait d'abord imprimé une orientation morphologique en vue de l'apprentissage de l'orthographe et qui a pris ensuite une direction plus syntaxique avec le courant structuraliste, est venue petit à petit s'ajouter une grammaire du texte destinée à faire comprendre à l'élève les règles gouvernant la construction des entités longues que sont les discours.
Ce n'est pas ce que dans les nouveaux programmes on entend par grammaire textuelle. La grammaire textuelle, telle que pratiquée dans les manuels, c'est faire de la grammaire à partir d'un
texte dans l'intention louable de placer les faits de langue dans un contexte qui permet de les concrétiser. Partir d'un texte pour introduire une notion grammaticale permet certainement aux élèves de saisir l'intérêt pratique de la notion. Le danger serait, accessoirement de faire plus de rhétorique que de grammaire, mais, principalement, de ne saisir qu'un aspect de la notion. Aucun texte n'a été écrit en fonction d'une leçon de grammaire. Voilà pourquoi d’ailleurs la nouvelle grammaire préconise le travail à partir de corpus inventés ou d'extraits de plusieurs textes que l'on réunit et qui permettent de saisir tout le problème. Après l'introduction de la notion, on pourra alors revenir vers le texte de référence pour y analyser l'aspect qui nous intéresse. L'élève aura d'abord compris la notion en entier et il montrera ensuite qu'il en comprend les nuances. Pour que la notion soit parfaitement intégrée, l'idéal serait de terminer par un travail d'écriture.
Finalement, le choix de garder un même texte de départ pour travailler toute la séquence, et donc pour l'étude de texte, la grammaire, le travail d'écriture est fastidieux. Il est vrai que cela permet théoriquement de décloisonner mais revenir durant au moins une semaine sur un même texte, que les élèves finissent d'ailleurs par retenir par coeur, les en désintéressera très certainement. A force de reprendre les mêmes choses, les élèves s'ennuieront. Pourquoi, tout en gardant un texte de référence, ne pas varier les supports (autres textes, corpus de phrases, images de toutes sortes) en respectant le thème ou l'objectif de la séquence ?


III. Du français ? Pour quoi en faire ?
Eparpiller les notions pour les soumettre à un objectif final est un des dangers de la progression par séquences pédagogiques, progression qui risque de devenir un modèle rigide. Un travail de réflexion théorique à la fois minutieux et plus global permettrait d'éviter cet écueil. Il est tout à fait possible de combiner le choix de la progression par objectifs et la logique de la progression grammaticale si on procède à une réorganisation des programmes. Il est des notions de grammaire qui découlent les unes des autres et qu'il ne faut pas séparer. A titre d'exemple, pour introduire les notions syntaxiques, il faut d'abord partir de l'organisation de la phrase simple en groupes nominaux, groupes verbaux et groupes prépositionnels, montrer que certains de ces groupes sont supprimables et d'autres non, parler d'une organisation hiérarchique de la phrase en français. Il est d'autres notions qui sont plus souples. En tout cas, on peut diviser le savoir grammatical en
plusieurs suites de notions et ce sont ces suites que l'on sera libre de placer indifféremment en début, au milieu ou en fin de parcours.
Si l'on veut utiliser le français comme langue de communication, il n'est effectivement pas nécessaire de faire de la grammaire, ou de s'approfondir sur des thèmes littéraires, les méthodes de FLE suffiront peut-être à donner aux jeunes libanais de quoi savoir communiquer en français. Mais est-ce que les Libanais ont besoin du français pour communiquer ? Est-ce que la survie du français au Liban n'est pas étroitement liée à son passé de langue de culture ? N'a-t-on pas surtout besoin du français pour prendre des distances envers soi-même, se réfléchir et réfléchir le monde ? Offrir l'accès à une culture autre permet de relativiser la sienne, de mieux la comprendre et surtout de mieux l'apprécier. Donc de mieux l'aimer. Quel meilleur moyen pour lutter contre l'intolérance ?
Et si l'on croit toujours que le français est une langue de culture, une langue qui ne permet pas seulement de communiquer mais de réfléchir, alors on ne peut faire fi de comprendre comment elle
fonctionne, ni de se pencher sur sa littérature. Il ne faut pas priver les jeunes de ces passages qui bouleversent et transforment sous prétexte du besoin moderne d'une langue surtout utilitaire.
Il s'agit donc de mieux réfléchir les programmes, de les adapter à la complexité de la réalité libanaise et de les faire correspondre aux attentes. Il faut revoir les manuels et mieux penser les méthodes. Treize ans de scolarisation sont suffisants pour former des élèves parfaitement francophones, toutes catégories sociales confondues. Treize ans transforment le jeune enfant en jeune adulte, croyons en lui, offrons-lui l'accès à la culture qui seule lui permettra de s'ouvrir, apprenons-lui à développer un esprit critique qui lui permettra plus tard de juger par lui-même. Si nous manquons d'effectifs ou de moyens, n'en pénalisons pas les élèves. Ne baissons pas la barre parce que nous baissons les bras.

 

DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES

DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES
 

Il ne s'agit plus dans le monde contemporain d'emmagasiner un savoir savant, il faut surtout apprendre à réemployer ce savoir acquis dans des pratiques. En ce sens, le choix de la progression par objectifs, intégrant à l'intérieur d'une même séquence pédagogique texte, grammaire, pratique orale et pratique écrite est intéressant. Il permet à la fois de décloisonner et de montrer l'utilité d'une notion abstraite, comme une règle de grammaire ou d'orthographe, et son intérêt pour comprendre un texte, le commenter, pour produire un texte écrit… D'ailleurs, un des principaux apports de la pédagogie de la communication, sous l'influence de la linguistique textuelle et de la psychologie cognitive, est d'avoir mis en évidence la nécessité de garantir en classe une
pratique régulière et significative du langage dans des situations variées et complètes.
Si l'apprentissage des règles n'est plus une fin en soi, il reste quand même un passage obligé, du moins dans l'apprentissage du fonctionnement d'une langue. Il est important, pour comprendre
l'esprit d'une langue, de la démonter, de l'analyser… Mais il ne faut pas que ce démontage, cette analyse deviennent une fin en soi. Le tout est de savoir reconstruire, refondre les parties en un tout cohérent. Toute la subtilité de l'enseignement de la grammaire réside là. Il faut savoir expliquer des règles particulières en les intégrant à un processus d'enseignement qui en montre les finalités, qui explique la langue comme un tout qui se tient, un système qui a sa cohérence propre.


 

 

 

I. Progression grammaticale et pédagogie par séquence
Le choix de la progression par séquences pédagogiques est certes un moyen de lier des règles abstraites à une finalité concrète, mais encore faut-il parvenir à lier les règles entre elles en respectant leur suite logique. L'élaboration de la progression à l'intérieur des séquences pédagogiques est un travail minutieux qui doit à la fois obéir à la logique des thèmes et à celle des règles d'écriture pour ne pas dégénérer en un système rigide, une nouvelle forme de cloisonnement.
Dans les nouveaux programmes, l'adoption de cette progression a entraîné le choix des règles linguistiques en fonction de l'objectif final de la séquence, sans les avoir réfléchies en fonction d'une progression interne, et surtout, sans les avoir liées entre elles. Les notions grammaticales sont ainsi étudiées d'une manière éparse qui ne permet pas de les situer dans le système
général de la langue, ce qui en donne une vision morcelée et ce qui empêche de montrer les liens logiques qu'elles entretiennent entre elles.
Travailler, par exemple, le système verbal en chapitres éparpillés dans le parcours grammatical de l'enfant : l'imparfait pour la description, le passé simple pour le récit d'évènements, est, en soi, une
excellente méthode si, toutefois, on place ces notions éparses dans le système verbal en général, si on les intègre dans les valeurs verbales qui peuvent être soit temporelles soit aspectuelles soit modales… L'enfant qui n'a pas eu cette vision globale pourra peut-être parfaitement reconnaître et utiliser le passé simple dans un récit et l'imparfait dans une description, mais sera pris de
court s'il rencontre un verbe d'action à l'imparfait ! Il n'arrivera pas à maîtriser toutes les nuances qui caractérisent le système temporel français et qui jouent souvent sur cette différence
entre temps, mode et aspect. Ce problème, nous le rencontrons souvent avec la notion d'attribut. Etudier l'attribut à partir de textes descriptifs comme une catégorie d'adjectif (épithète ou attribut) occulte les autres catégories d'attribut (le nom, le pronom, la relative, le groupe prépositionnel, l'adverbe, la construction infinitive). L'associer au chapitre sur le sujet (le sujet et l'attribut du sujet) empêche de voir en lui un complément essentiel du verbe, ce qui le rapproche plutôt du complément d'objet avec lequel on le confond souvent.
La progression par séquences peut, si l'on n'y prend garde, dégénérer en un système rigide, souvent un appauvrissement. Ne gardant que ce qui est en relation directe avec la séquence, il est des notions qui vont nécessairement revenir souvent et d'autres, beaucoup moins. Ce sont habituellement les notions les plus complexes qui sont les moins traitées, bien qu'il faille parfois leur accorder plus de temps. Il en est ainsi de la notion des subordonnées de corrélation qui expriment la conséquence, la comparaison, que l'on néglige souvent dans les manuels et qui sont pourtant communément utilisées dans le récit et surtout dans l'argumentation. (parallélisme, phénomène de cause à effet…)

De plus, il arrive que la séquence ne permette d'éclairer qu'un aspect de la notion. Prenons l'adjectif qualificatif. Nous associons directement l'étude de l'adjectif qualificatif à la description et au portrait, pourtant l'adjectif qualificatif peut jouer un rôle important dans le récit d'évènements et même dans l'argumentation. Il est l'un des outils de l'ironie.


 

 

 

II. La notion de grammaire textuelle
Parlons de la grammaire dite textuelle. Il nous faut d'abord introduire une clarification, la grammaire textuelle n'est pas faire de la grammaire à partir d'un texte. C'est un aspect de la
grammaire nouvelle influencé par la linguistique textuelle laquelle a contribué à éclairer les mécanismes qui, au-delà de la phrase, sont responsables de l'organisation d'ensemble des
discours. Grâce à la linguistique textuelle, la didactique des langues a pu, dans les années quatre-vingts, disposer de meilleures connaissances sur les structures générales des textes (explicatif,
argumentatif, poétique…). L'analyse des textes a intégré de nouveaux concepts tels que la cohérence, l'anaphore et les mécanismes de reprise, les connecteurs et les organisateurs textuels ou encore la progression thématique.
A la grammaire de la phrase, à laquelle la pédagogie traditionnelle avait d'abord imprimé une orientation morphologique en vue de l'apprentissage de l'orthographe et qui a pris ensuite une direction plus syntaxique avec le courant structuraliste, est venue petit à petit s'ajouter une grammaire du texte destinée à faire comprendre à l'élève les règles gouvernant la construction des entités longues que sont les discours.
Ce n'est pas ce que dans les nouveaux programmes on entend par grammaire textuelle. La grammaire textuelle, telle que pratiquée dans les manuels, c'est faire de la grammaire à partir d'un
texte dans l'intention louable de placer les faits de langue dans un contexte qui permet de les concrétiser. Partir d'un texte pour introduire une notion grammaticale permet certainement aux élèves de saisir l'intérêt pratique de la notion. Le danger serait, accessoirement de faire plus de rhétorique que de grammaire, mais, principalement, de ne saisir qu'un aspect de la notion. Aucun texte n'a été écrit en fonction d'une leçon de grammaire. Voilà pourquoi d’ailleurs la nouvelle grammaire préconise le travail à partir de corpus inventés ou d'extraits de plusieurs textes que l'on réunit et qui permettent de saisir tout le problème. Après l'introduction de la notion, on pourra alors revenir vers le texte de référence pour y analyser l'aspect qui nous intéresse. L'élève aura d'abord compris la notion en entier et il montrera ensuite qu'il en comprend les nuances. Pour que la notion soit parfaitement intégrée, l'idéal serait de terminer par un travail d'écriture.
Finalement, le choix de garder un même texte de départ pour travailler toute la séquence, et donc pour l'étude de texte, la grammaire, le travail d'écriture est fastidieux. Il est vrai que cela permet théoriquement de décloisonner mais revenir durant au moins une semaine sur un même texte, que les élèves finissent d'ailleurs par retenir par coeur, les en désintéressera très certainement. A force de reprendre les mêmes choses, les élèves s'ennuieront. Pourquoi, tout en gardant un texte de référence, ne pas varier les supports (autres textes, corpus de phrases, images de toutes sortes) en respectant le thème ou l'objectif de la séquence ?


III. Du français ? Pour quoi en faire ?
Eparpiller les notions pour les soumettre à un objectif final est un des dangers de la progression par séquences pédagogiques, progression qui risque de devenir un modèle rigide. Un travail de réflexion théorique à la fois minutieux et plus global permettrait d'éviter cet écueil. Il est tout à fait possible de combiner le choix de la progression par objectifs et la logique de la progression grammaticale si on procède à une réorganisation des programmes. Il est des notions de grammaire qui découlent les unes des autres et qu'il ne faut pas séparer. A titre d'exemple, pour introduire les notions syntaxiques, il faut d'abord partir de l'organisation de la phrase simple en groupes nominaux, groupes verbaux et groupes prépositionnels, montrer que certains de ces groupes sont supprimables et d'autres non, parler d'une organisation hiérarchique de la phrase en français. Il est d'autres notions qui sont plus souples. En tout cas, on peut diviser le savoir grammatical en
plusieurs suites de notions et ce sont ces suites que l'on sera libre de placer indifféremment en début, au milieu ou en fin de parcours.
Si l'on veut utiliser le français comme langue de communication, il n'est effectivement pas nécessaire de faire de la grammaire, ou de s'approfondir sur des thèmes littéraires, les méthodes de FLE suffiront peut-être à donner aux jeunes libanais de quoi savoir communiquer en français. Mais est-ce que les Libanais ont besoin du français pour communiquer ? Est-ce que la survie du français au Liban n'est pas étroitement liée à son passé de langue de culture ? N'a-t-on pas surtout besoin du français pour prendre des distances envers soi-même, se réfléchir et réfléchir le monde ? Offrir l'accès à une culture autre permet de relativiser la sienne, de mieux la comprendre et surtout de mieux l'apprécier. Donc de mieux l'aimer. Quel meilleur moyen pour lutter contre l'intolérance ?
Et si l'on croit toujours que le français est une langue de culture, une langue qui ne permet pas seulement de communiquer mais de réfléchir, alors on ne peut faire fi de comprendre comment elle
fonctionne, ni de se pencher sur sa littérature. Il ne faut pas priver les jeunes de ces passages qui bouleversent et transforment sous prétexte du besoin moderne d'une langue surtout utilitaire.
Il s'agit donc de mieux réfléchir les programmes, de les adapter à la complexité de la réalité libanaise et de les faire correspondre aux attentes. Il faut revoir les manuels et mieux penser les méthodes. Treize ans de scolarisation sont suffisants pour former des élèves parfaitement francophones, toutes catégories sociales confondues. Treize ans transforment le jeune enfant en jeune adulte, croyons en lui, offrons-lui l'accès à la culture qui seule lui permettra de s'ouvrir, apprenons-lui à développer un esprit critique qui lui permettra plus tard de juger par lui-même. Si nous manquons d'effectifs ou de moyens, n'en pénalisons pas les élèves. Ne baissons pas la barre parce que nous baissons les bras.

 

DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES

DE LA NECESSITE D'UNE PROGRESSION GRAMMATICALE DANS LES NOUVEAUX PROGRAMMES
 

Il ne s'agit plus dans le monde contemporain d'emmagasiner un savoir savant, il faut surtout apprendre à réemployer ce savoir acquis dans des pratiques. En ce sens, le choix de la progression par objectifs, intégrant à l'intérieur d'une même séquence pédagogique texte, grammaire, pratique orale et pratique écrite est intéressant. Il permet à la fois de décloisonner et de montrer l'utilité d'une notion abstraite, comme une règle de grammaire ou d'orthographe, et son intérêt pour comprendre un texte, le commenter, pour produire un texte écrit… D'ailleurs, un des principaux apports de la pédagogie de la communication, sous l'influence de la linguistique textuelle et de la psychologie cognitive, est d'avoir mis en évidence la nécessité de garantir en classe une
pratique régulière et significative du langage dans des situations variées et complètes.
Si l'apprentissage des règles n'est plus une fin en soi, il reste quand même un passage obligé, du moins dans l'apprentissage du fonctionnement d'une langue. Il est important, pour comprendre
l'esprit d'une langue, de la démonter, de l'analyser… Mais il ne faut pas que ce démontage, cette analyse deviennent une fin en soi. Le tout est de savoir reconstruire, refondre les parties en un tout cohérent. Toute la subtilité de l'enseignement de la grammaire réside là. Il faut savoir expliquer des règles particulières en les intégrant à un processus d'enseignement qui en montre les finalités, qui explique la langue comme un tout qui se tient, un système qui a sa cohérence propre.


 

 

 

I. Progression grammaticale et pédagogie par séquence
Le choix de la progression par séquences pédagogiques est certes un moyen de lier des règles abstraites à une finalité concrète, mais encore faut-il parvenir à lier les règles entre elles en respectant leur suite logique. L'élaboration de la progression à l'intérieur des séquences pédagogiques est un travail minutieux qui doit à la fois obéir à la logique des thèmes et à celle des règles d'écriture pour ne pas dégénérer en un système rigide, une nouvelle forme de cloisonnement.
Dans les nouveaux programmes, l'adoption de cette progression a entraîné le choix des règles linguistiques en fonction de l'objectif final de la séquence, sans les avoir réfléchies en fonction d'une progression interne, et surtout, sans les avoir liées entre elles. Les notions grammaticales sont ainsi étudiées d'une manière éparse qui ne permet pas de les situer dans le système
général de la langue, ce qui en donne une vision morcelée et ce qui empêche de montrer les liens logiques qu'elles entretiennent entre elles.
Travailler, par exemple, le système verbal en chapitres éparpillés dans le parcours grammatical de l'enfant : l'imparfait pour la description, le passé simple pour le récit d'évènements, est, en soi, une
excellente méthode si, toutefois, on place ces notions éparses dans le système verbal en général, si on les intègre dans les valeurs verbales qui peuvent être soit temporelles soit aspectuelles soit modales… L'enfant qui n'a pas eu cette vision globale pourra peut-être parfaitement reconnaître et utiliser le passé simple dans un récit et l'imparfait dans une description, mais sera pris de
court s'il rencontre un verbe d'action à l'imparfait ! Il n'arrivera pas à maîtriser toutes les nuances qui caractérisent le système temporel français et qui jouent souvent sur cette différence
entre temps, mode et aspect. Ce problème, nous le rencontrons souvent avec la notion d'attribut. Etudier l'attribut à partir de textes descriptifs comme une catégorie d'adjectif (épithète ou attribut) occulte les autres catégories d'attribut (le nom, le pronom, la relative, le groupe prépositionnel, l'adverbe, la construction infinitive). L'associer au chapitre sur le sujet (le sujet et l'attribut du sujet) empêche de voir en lui un complément essentiel du verbe, ce qui le rapproche plutôt du complément d'objet avec lequel on le confond souvent.
La progression par séquences peut, si l'on n'y prend garde, dégénérer en un système rigide, souvent un appauvrissement. Ne gardant que ce qui est en relation directe avec la séquence, il est des notions qui vont nécessairement revenir souvent et d'autres, beaucoup moins. Ce sont habituellement les notions les plus complexes qui sont les moins traitées, bien qu'il faille parfois leur accorder plus de temps. Il en est ainsi de la notion des subordonnées de corrélation qui expriment la conséquence, la comparaison, que l'on néglige souvent dans les manuels et qui sont pourtant communément utilisées dans le récit et surtout dans l'argumentation. (parallélisme, phénomène de cause à effet…)

De plus, il arrive que la séquence ne permette d'éclairer qu'un aspect de la notion. Prenons l'adjectif qualificatif. Nous associons directement l'étude de l'adjectif qualificatif à la description et au portrait, pourtant l'adjectif qualificatif peut jouer un rôle important dans le récit d'évènements et même dans l'argumentation. Il est l'un des outils de l'ironie.


 

 

 

II. La notion de grammaire textuelle
Parlons de la grammaire dite textuelle. Il nous faut d'abord introduire une clarification, la grammaire textuelle n'est pas faire de la grammaire à partir d'un texte. C'est un aspect de la
grammaire nouvelle influencé par la linguistique textuelle laquelle a contribué à éclairer les mécanismes qui, au-delà de la phrase, sont responsables de l'organisation d'ensemble des
discours. Grâce à la linguistique textuelle, la didactique des langues a pu, dans les années quatre-vingts, disposer de meilleures connaissances sur les structures générales des textes (explicatif,
argumentatif, poétique…). L'analyse des textes a intégré de nouveaux concepts tels que la cohérence, l'anaphore et les mécanismes de reprise, les connecteurs et les organisateurs textuels ou encore la progression thématique.
A la grammaire de la phrase, à laquelle la pédagogie traditionnelle avait d'abord imprimé une orientation morphologique en vue de l'apprentissage de l'orthographe et qui a pris ensuite une direction plus syntaxique avec le courant structuraliste, est venue petit à petit s'ajouter une grammaire du texte destinée à faire comprendre à l'élève les règles gouvernant la construction des entités longues que sont les discours.
Ce n'est pas ce que dans les nouveaux programmes on entend par grammaire textuelle. La grammaire textuelle, telle que pratiquée dans les manuels, c'est faire de la grammaire à partir d'un
texte dans l'intention louable de placer les faits de langue dans un contexte qui permet de les concrétiser. Partir d'un texte pour introduire une notion grammaticale permet certainement aux élèves de saisir l'intérêt pratique de la notion. Le danger serait, accessoirement de faire plus de rhétorique que de grammaire, mais, principalement, de ne saisir qu'un aspect de la notion. Aucun texte n'a été écrit en fonction d'une leçon de grammaire. Voilà pourquoi d’ailleurs la nouvelle grammaire préconise le travail à partir de corpus inventés ou d'extraits de plusieurs textes que l'on réunit et qui permettent de saisir tout le problème. Après l'introduction de la notion, on pourra alors revenir vers le texte de référence pour y analyser l'aspect qui nous intéresse. L'élève aura d'abord compris la notion en entier et il montrera ensuite qu'il en comprend les nuances. Pour que la notion soit parfaitement intégrée, l'idéal serait de terminer par un travail d'écriture.
Finalement, le choix de garder un même texte de départ pour travailler toute la séquence, et donc pour l'étude de texte, la grammaire, le travail d'écriture est fastidieux. Il est vrai que cela permet théoriquement de décloisonner mais revenir durant au moins une semaine sur un même texte, que les élèves finissent d'ailleurs par retenir par coeur, les en désintéressera très certainement. A force de reprendre les mêmes choses, les élèves s'ennuieront. Pourquoi, tout en gardant un texte de référence, ne pas varier les supports (autres textes, corpus de phrases, images de toutes sortes) en respectant le thème ou l'objectif de la séquence ?


III. Du français ? Pour quoi en faire ?
Eparpiller les notions pour les soumettre à un objectif final est un des dangers de la progression par séquences pédagogiques, progression qui risque de devenir un modèle rigide. Un travail de réflexion théorique à la fois minutieux et plus global permettrait d'éviter cet écueil. Il est tout à fait possible de combiner le choix de la progression par objectifs et la logique de la progression grammaticale si on procède à une réorganisation des programmes. Il est des notions de grammaire qui découlent les unes des autres et qu'il ne faut pas séparer. A titre d'exemple, pour introduire les notions syntaxiques, il faut d'abord partir de l'organisation de la phrase simple en groupes nominaux, groupes verbaux et groupes prépositionnels, montrer que certains de ces groupes sont supprimables et d'autres non, parler d'une organisation hiérarchique de la phrase en français. Il est d'autres notions qui sont plus souples. En tout cas, on peut diviser le savoir grammatical en
plusieurs suites de notions et ce sont ces suites que l'on sera libre de placer indifféremment en début, au milieu ou en fin de parcours.
Si l'on veut utiliser le français comme langue de communication, il n'est effectivement pas nécessaire de faire de la grammaire, ou de s'approfondir sur des thèmes littéraires, les méthodes de FLE suffiront peut-être à donner aux jeunes libanais de quoi savoir communiquer en français. Mais est-ce que les Libanais ont besoin du français pour communiquer ? Est-ce que la survie du français au Liban n'est pas étroitement liée à son passé de langue de culture ? N'a-t-on pas surtout besoin du français pour prendre des distances envers soi-même, se réfléchir et réfléchir le monde ? Offrir l'accès à une culture autre permet de relativiser la sienne, de mieux la comprendre et surtout de mieux l'apprécier. Donc de mieux l'aimer. Quel meilleur moyen pour lutter contre l'intolérance ?
Et si l'on croit toujours que le français est une langue de culture, une langue qui ne permet pas seulement de communiquer mais de réfléchir, alors on ne peut faire fi de comprendre comment elle
fonctionne, ni de se pencher sur sa littérature. Il ne faut pas priver les jeunes de ces passages qui bouleversent et transforment sous prétexte du besoin moderne d'une langue surtout utilitaire.
Il s'agit donc de mieux réfléchir les programmes, de les adapter à la complexité de la réalité libanaise et de les faire correspondre aux attentes. Il faut revoir les manuels et mieux penser les méthodes. Treize ans de scolarisation sont suffisants pour former des élèves parfaitement francophones, toutes catégories sociales confondues. Treize ans transforment le jeune enfant en jeune adulte, croyons en lui, offrons-lui l'accès à la culture qui seule lui permettra de s'ouvrir, apprenons-lui à développer un esprit critique qui lui permettra plus tard de juger par lui-même. Si nous manquons d'effectifs ou de moyens, n'en pénalisons pas les élèves. Ne baissons pas la barre parce que nous baissons les bras.