Former: pourquoi, comment?

 

Former: pourquoi, comment?

 

Marthe Tabet Chef du Département de programmation et de planification au CRDPAccepter d’intégrer un dispositif de formation continue c’est, tout d’abord, accepter de changer de statut et de profil, c’est à dire passer d’un statut d’enseignant à un statut de formateur d’enseignants (adultes). Mais ce changement en quoi consiste-t-il ? S’agit-il de dire : je change de métier, j’endosse celui de formateur. D’ailleurs, y a-t-il un métier de formateur? Et si oui quelle est la différence entre les deux métiers ?

 

II- Vers une définition de la formation

Même si le cadre général des réflexions et des réformes qui ont été menées dans les pays développés et qui, entre autres, remettent en question l’évolution du métier d’enseignant ainsi que sa place dans la communauté éducative ; les méthodes d’enseignement ont elles aussi fait l’objet de mises en cause et ont donné lieu à beaucoup d’expérimentations au fil des différents courants pédagogiques contemporains. Philippe Pernoud1, dans une de ses interventions, déclare : « … pour une part le métier est fait de routine que l’enseignant fait fonctionner de façon relativement consciente mais sans mesurer leur arbitraire donc sans les choisir et les maîtriser… c’est la part de reproduction … ou d’habitudes personnelles dont l’origine se perd ».

En comparaison avec la réalité de l’enseignement au Liban, on ne peut que constater l’évidence d’une telle situation : un corps professoral bien installé dans des habitudes d’apprentissage réduites à inculquer des savoirs généraux disciplinaires et culturels.

Ceci dit, nous ne nions pas que des renouvellements se sont produits au niveau de la rénovation des méthodes, rénovation apportée par le développement des sciences humaines et des expérimentations. Mais nous ne pouvons qu’affirmer que le corps enseignant se renouvelle, comme on le sait, par cooptation et selon des procédures qui assurent des modalités et des routines d’enseignement. Comment donc penser à un processus de socialisation par lequel la société (l’école de la vie) permettra à ses membres (les enseignants) de l’intégrer par transmission, et non pas par conformation et modélisation ? Transmission : de la culture enseignante, des compétences des capacités et des valeurs morales d’éthique et de déontologie.

 

1 -  La formation : action de transformation ?

Toute formation est transformation dans la mesure où elle est  individualisée, c’est à dire que c’est la personne en formation qui se forme. Elle est donc une action d’auto- transformation, de développement personnel de capacités et de compétences en vue de se professionnaliser, d’acquérir des connaissances nouvelles certes, mais aussi des savoir- faire et des aptitudes.

Cette auto-transformation ne peut se faire que par la médiation d’instruments, d’un programme, d’un dispositif, d’un contenu donc d’un médiateur que nous avons appelé «formateur» avec une réserve sur la représentation qu’on pourrait se faire de ce terme.

L’activité professionnelle et professionnalisante  du formateur ne peut s’exercer qu’au sein d’un système et doit être inscrite dans un cadre d’où, la création du « dispositif de Formation Continue».

 

2 - Pourquoi et comment former?

L’enseignant formateur ne peut exercer si on ne tient pas compte de ses besoins et de ses attentes et si on ne lui donne pas les moyens efficaces qui lui permettent de faire face et de s’adapter aux changements de pratique et de conception personnelles et professionnelles.

Il semble que se soit actuellement le modèle de professionnalité qui sous-tend le processus de professionnalisation des enseignants. C’est pourquoi nous avons opté, en tant que planificateur, pour un modèle conceptuel, celui d’un praticien « réflexif » et d’un praticien chercheur (M. Altet)2. Résolument convaincus que les savoirs professionnels ne  se construisent et ne se développent que sur le terrain, nous avons convenu au Bureau de Formation que le formateur que nous voulons engager pour intégrer le dispositif de formation doit continuer à enseigner, à savoir que c’est par la pratique orientée vers le contrôle des situations, la solution des problèmes et la réalisation des objectifs en contexte, que vont se développer ses connaissances professionnelles et ses savoirs du métier d’enseignant.

C’est dans l’optique de construire ces savoirs au travers de l’expérience pratique que nous avons rédigé nos cahiers des charges.

 

3 - Cahiers des charges et contenus des formations

Notre optique pédagogique de la construction des savoirs chez l’enseignant-formateur, inspirée par les travaux de M. Altet et de son équipe de chercheurs à l’Institut Universitaire des Formations des Maîtres (IUFM) de Nantes, repose sur la typologie des savoirs construite à partir des verbalisations des enseignants sur leurs actions et qui propose trois types de savoirs.

a.  Les savoirs théoriques

- savoirs à enseigner (disciplinaires) ;

- savoirs pour enseigner : ces savoirs sont en rapport avec la pédagogie de l’enseignement : gestion de la classe, gestion des conflits, gestion des apprentissages, savoirs didactiques dans les différentes disciplines et enfin les savoirs de la culture enseignante.

b. Les savoirs pratiques

   Ces savoirs sont acquis à partir de la pratique. Ils sont empiriques et sont catégorisés par la psychologie cognitive en :

- savoirs sur la pratique : les savoir-faire ou les savoirs procéduraux ;

- savoirs de la pratique : issus de l’expérience, de l’action de l’enseignement,  savoirs qui permettent de juger de la professionnalité de l’enseignant et de sa compétence d’adaptation aux différentes situations.

  c. Les savoirs qui se construisent

Il y a bien sûr d’autres catégorisations qui  proposent une pluralité de savoirs que les sciences cognitives ont développés et qui permettent d’articuler les savoirs et l’action mise en œuvre, et c’est sur ce type de savoirs que nous mettons l’accent : les savoirs intégrant la réflexion du professionnel sur sa pratique, les savoirs qui permettent d’analyser, de théoriser les pratiques, qui sont appelés « savoirs outils » et qui permettent de développer la compétence clé de la formation : le savoir analyser. Cette métacompétence permet la construction des compétences de l’enseignant professionnel parce qu’elle recouvre plusieurs dimensions :

- elle ouvre des pistes de recherche ;

- elle permet de « problématiser » ;

- elle utilise les savoirs instrumentaux qui permettent de rationaliser la pratique ;      

- elle permet la régulation de l’action et produit des modifications dans la pratique ;

Tous ces savoirs professionnels sont validés par la démarche d’investigation et par la transferabilité de ces savoirs dans des situations variées adaptées aux contextes, aux élèves, aux situations. La formation n’est plus modélisante, mais plutôt professionnalisante dans la mesure où elle propose de dispositifs variés qui permettent à l’enseignant/formateur d’analyser, de réfléchir, de justifier, d’opérationnaliser « ses savoirs d’expérience » en prenant des décisions automatisées fondées sur des schèmes d’analyse de situation qui lui permettent d’adapter ses actions de formation.

 

Les formations

Occasion pour le formateur de se construire, les stages conçus et animés par les éminents formateurs de l’académie de Créteil-IUFM de Melun furent aussi l’occasion de développer chez le futur formateur les compétences qui nous ont paru nécessaires pour que celui-ci fonctionne comme professionnel « réflexif », comme praticien chercheur et comme accompagnateur.

Les stratégies privilégiées par les formateurs pour former des praticiens « réflexifs » étaient multiples :

- réaliser un « diagnostic situationnel » ;

- produire des démarches instrumentées d’enseignement en référence à une théorie de psychologie cognitive ;

- associer les formateurs à une évaluation de leurs stages ou à l’analyse de leur action ;

- privilégier la démarche socio-constructiviste qui implique le formateur dans la conception des projets collectifs, d’où son rôle comme « acteur social » ;

- et, finalement, provoquer chez le formateur « en devenir » un mouvement vers un développement personnel et relationnel.

Les formations étaient donc l’occasion d’expérimenter et d’opérationnaliser les stratégies dégagées, d’affiner les outils éducatifs et de les adapter aux contextes, et de rétablir l’équilibre entre les représentations des formateurs sur l’acte d’apprendre comme inculcation des savoirs et l’acte d’apprendre comme action de recherche, de construction de confrontation avec des situations nouvelles riches en connaissances nouvelles. Tout ceci favorisé par la confrontation entre pairs dans un dispositif  d’accompagnement des enseignants pour les aider à s’auto-transformer et à développer leurs compétences.

La formation comme processus institutionnel

Notre conception de l’acte de formation est une conception multidimensionnelle. Nous l’envisageons comme un processus à trois dimensions, tout d’abord comme un acte individuel dans la mesure où c’est le formateur lui-même qui se construit et se développe en acquérant les savoirs et les savoir-faire du métier et ensuite comme un processus social par lequel la société l’intègre comme tel et lui permet, à travers un troisième processus, celui de l’institution, de se professionnaliser, d’avoir ce que l’on peut spécifier comme « le tour de main » pour accompagner ses pairs en devenir.

Cette définition nous permet d’expliquer, en tant qu’institution, notre conception d’un référentiel du métier de formateur. Nous avons inscrit ce référentiel dans un cahier des charges qui précise nos objectifs et nous l’avons mis en œuvre par une convention avec le CIEP, le Centre International d’Etudes Pédagogiques.Une équipe de responsables libanais en visite à l’Institut universitaire de formation des maîtres - Nantes - France.

d. Les compétences de base qui gèrent la professionnalité d’un formateur

 Par définition, être compétent «c’est être capable d’agir avec efficacité, c’est à dire capable de résoudre un problème dans une situation donnée ». Le terme compétence se réfère à une activité professionnelle ; il combine des savoirs théoriques, des savoir-faire (pratiques) et des savoir être (attitudes) liés à une situation donnée.

Tout métier exige un ensemble d’activités que le professionnel doit mettre en œuvre. Le formateur professionnel n’échappe pas à cette règle.

Un référentiel des grands domaines d’activité a été élaboré par des formateurs d’adultes (CAFOC de Nantes)6 et ce sont ces domaines que nous avons adoptés dans notre dispositif de formation de formateurs, d’autant que les activités sont celles liées à la conception et à la mise en œuvre des formations, c'est-à-dire liées aux compétences professionnalisantes de son métier de formateur. Mais là je me permets une réflexion : nous avons privilégié les compétences dites « professionnelles » en négligeant celles liées aux savoirs spécifiques de la discipline ; il s’est avéré ultérieurement que certains formateurs, surtout ceux de l’Education physique et sportive (EPS), l’Education artistique, l’Informatique et la Technologie manquaient de connaissances basiques, particulièrement au niveau de la didactique de ces disciplines. Ce qui montre que toute action de formation doit être conçue en fonction des besoins du public à former. Ceci nous amène à dire qu’un dispositif de formation, quel qu’il soit, doit être remis en question, revu, développé régulièrement. Il se peut aussi que les critères de recrutement doivent subir des modifications et des changements en vue d’un meilleur fonctionnement du dispositif mis en œuvre.

Séminaire de lancement du dispositif de Formation continue. Imprimerie du CRDP.

Référentiel des compétences à développer chez le formateur

Nous avons convenu avec les pilotes et les formateurs engagés par le CIEP de mettre l’accent sur certaines compétences plus pertinentes et qu’il est urgent de mettre en place vu les délais et le budget mis à notre disposition.

 

a- Concevoir un dispositif      

L’accent était mis sur les compétences de l’ordre de l’ingénierie de la formation :

  • analyser les besoins ;
  • rédiger un cahier des charges ;
  • construire un dispositif de formation qui répond aux besoins identifiés.

  

b - Préparer des interventions

  • Identifier et formuler les objectifs pédagogiques.
  • Organiser une action de formation en tenant compte des progressions.
  • Elaborer et réaliser des outils et des supports pédagogiques.

 

c - Animer une séquence de formation

  • Gérer une classe d’adultes.
  • Gérer les conflits.
  • S’adapter et adapter la formation en fonction des styles et des rythmes des « formés »…

 

d - Accompagner les stagiaires

  • Maîtriser les techniques d’entretien individuel et collectif.
  • Favoriser l’articulation entre théories et pratiques.
  • Assister les enseignants et les aider à élaborer leur projet d’auto-formation.

 

e - Evaluer et rendre compte

  • Concevoir et réaliser des dispositifs et des outils pour évaluer les apprentissages.
  • Evaluer sa pratique et évaluer ses actions.
  • Varier ses stratégies de formateur en variant les points de vue théoriques.

 

f - Piloter des actions

  • Planifier, gérer, adapter.
  • Travailler en groupe et en projet.

 

g - Entretenir des relations positives avec les différents cadres de la formation

Compétences d’éthique et de déontologie qui correspondent aux spécificités du nouveau métier. 

Au-delà de ces compétences que nous avons identifiées et des connaissances théoriques et méthodologiques qui constituent la personnalité du formateur, il est important de signaler qu’une grande partie de ce qui fait  le savoir formateur reste une démarche personnelle. Le formateur n’est pas formateur si sa pratique n’est pas « le reflet de la personne dans sa totalité ».

Enthousiaste, indécis, autoritaire, agréable, compréhensif… autant de qualifications sur lesquelles on ne peut intervenir. Analyser ses gestes personnels et professionnels reste un travail qui doit être fait tout au long de la vie. Il faut souvent que le formateur sache se poser les bonnes questions sur sa personne et sur sa pratique. On ne devient pas formateur en apprenant et en appliquant des recettes: on ne le devient qu’en acquérant ce « tour de main » qui se construit avec les « savoirs d’expérience ».

 

II- Où et comment ont eu lieu les formations des Personnes Ressource

1ère Université d’été en 2004 (en France)

En dépit des nombreux apports méthodologiques et pratiques du stage au CIEP et dans les différentes académies de France, nous pouvons confirmer que, pour cette première formation, les objectifs évoqués dans les termes du cahier des charges n’ont été que partiellement atteints, surtout au niveau de l’élaboration des plans de formation.

Il faut toutefois convenir que la disparité des niveaux des langues et des concepts disciplinaires ne favorisait pas la réalisation des objectifs de départ.

Une mission d’évaluation animée par l’Inspecteur Général M. André Hussenet et la représentante du CIEP Mme Anne-Marie Vaillé et tenant compte des propositions faites par le BF a conduit à prendre les décisions suivantes :

- dans le cadre de la formation des promotions de Personnes Ressource (PR) de la deuxième et la troisième vague, trois semaines de formation seront dispensées au Liban.

- une première semaine sera consacrée à la découverte des concepts et des outils de l’ingénierie de formation et deux autres semaines où seront regroupés les PR des deux promotions dans le cadre d’universités d’été qui proposeraient des modules de formation de formateurs en partie obligatoires et en partie à la carte.  

2ème Université d’été en 2005 

Cette phase du projet consacra la décision de privilégier les formations au Liban, décision dont le motif était surtout d’ordre budgétaire.

Le nombre important de stagiaires, leur hétérogénéité, leur regroupement dans un même lieu, constituaient un véritable défi.

Les PR appartenaient à des promotions différentes, à des Centres de Ressources (CR) différents, enseignants de différentes disciplines, quelques-unes avaient déjà encadré des stages tandis que d’autres amorçaient leur entrée dans la fonction.

La complexité de cette situation a été maîtrisée grâce à la coopération entre les partenaires libanais et français.

Les formateurs étaient bien préparés et mobilisés en nombre et en efficacité. La réussite de cette université a été facilitée par la mise en place des éléments suivants :

  1. l’unité de commandement assurée par le chef du projet M. André Hussenet et Mme A.M. Vaillé ;
  2. le clair partage des rôles ;
  3. l’évaluation régulière (tous les soirs) par une commission libanaise du CRDP ;
  4. les régulations collectives ;
  5. les réunions de coordination systématique des formateurs français.

Il reste que:

  • tous les enseignants/formateurs n’ont pas atteint le même niveau de compétences.
  • Les différentes PR ont entamé l’élaboration d’une culture commune.
  • Des équipes dans chaque CR ont été créées.
  • Un changement de position vis-à-vis du dispositif a été noté.
  • La qualité intellectuelle et l’engagement de jeunes recrutés ont surpris les formateurs français.

Réunir 150 personnes pour un stage résidentiel de deux semaines a présenté d’importantes difficultés :

  • les PR sont à des niveaux très différents d’expérience et ne sont pas au même stade dans le processus de formation.
  • l’inaccoutumance au travail en équipe. Cependant l’université d’été s’est déroulée dans un climat de travail positif grâce à :
  1. la qualité des lieux retenus : Saidet El Jabal « Notre Dame du Mont », un centre de conférences qui domine la plus belle baie du littoral libanais, et la qualité d’accueil de ses responsables.
  2. la bonne organisation en ateliers thématiques de cinq demi- journées.
  3. la bonne organisation matérielle mise en œuvre par les responsables du Bureau de Formation.
  4. l’encadrement par un nombre important de formateurs très professionnels.
  5. l’adoption de deux logiques différentes : travail par ateliers thématiques la 1ère semaine,et travail par centre et par discipline la 2ème semaine.

 

3ème Université d’été en 2006

La même logique d’organisation a été retenue pour l’université d’été 2006 par le Bureau de Formation.

  • la première semaine en juin a été consacrée à la formation de la troisième vague de PR.
  • Les deux semaines de juillet ont regroupé 109 stagiaires francophones auxquels il faut ajouter 18 stagiaires anglophones en plus des 15 formateurs français.
  • Les 18 Personnes Ressource Spécialisées (PRS) ont été associées aux autres.

L’objectif était de conduire, en parallèle, mais avec des interférences et des croisements de formation, la mise en œuvre de types de formation différents. La première semaine a forcément été plus facile à conduire que la deuxième semaine quant au programme.

La deuxième semaine était plus difficile à conduire vu la difficulté à faire cohabiter des stagiaires de catégories différentes (Personnes Ressource anglopnones, Personnes Ressource francophones, PRS, Formateurs de Formateurs, Chefs de Départements Académiques et les Responsables des Centres de Ressources). Ce à quoi vint s’ajouter le déclenchement de la guerre au Liban, le 12 juillet 2006.

 

III- Le bilan des formations des formateurs libanais

Un dispositif de 7 semaines de formation et de suivi pour chaque formateur libanais a été convenu avec le CIEP.

Entre 10 et 15 formateurs français des plus compétents et des plus professionnels ont été mobilisés pour former les 3 vagues de 208 formateurs recrutés sur 3 années consécutives.

Trois Universités d’été (2004 – 2005 – 2006)  et trois missions de suivi ont permis aux formés :

-     d’acquérir les fondamentaux de l’ingénierie de la formation ;

-     de se familiariser avec les démarches du socio-constructivisme ;

-     de construire des compétences et des outils opérationnels pour la conception et la conduite d’action de formation ;

-     de consolider leur entrée dans le métier de formateur.

Le bilan est largement positif. Le résultat obtenu en si peu de temps est le fruit de l’investissement de l’ensemble des acteurs concernés, allant de pair avec une remarquable capacité d’appropriation, de mise en œuvre de la part des PR et RCR.

Le Bureau de Formation avait créé en 2005-2006 un dispositif de formateurs spécialisés dans chacun des Centres de Ressources pour concevoir et conduire des actions de formation qui permettent :

  1. aux enseignants du préscolaire et du cycle 1 et 2 d’adopter une attitude constructive face aux difficultés de leurs élèves ;
  2. de donner aux enseignants les premiers outils de diagnostic des difficultés d’apprentissage ;
  3. de leur donner les techniques d’identification et de signalisation des difficultés qui nécessitent l’intervention de spécialistes ;
  4. de permettre aux enseignants d’acquérir des méthodes susceptibles de remédier aux difficultés les plus légères.

Ces PR spécialisées ont reçu seulement quatre semaines de formation qui leur ont permis cependant, à l’instar de leurs collègues, d’acquérir les compétences que nous avons évoquées précédemment et en plus d’affiner leurs compétences professionnelles.

Il a été question, dans leur formation, de travailler sur 4 axes :

Axe no1 :   clarification du point de vue des PR spécialisés et de celui des enseignants de la notion de handicap et de difficulté scolaire ;

Axe no2 :   analyse et repérage des besoins éducatifs des élèves dans l’école ;

Axe no3 :   adaptation des pratiques pédagogiques en classe ;

Axe no4 :   travail en équipe et en partenariat.

 

1 - Effets des formations conduites sur la performance et les acquis des formateurs

a -  Effets sur la qualité des actions menées par les PR.

Les différents partenaires concernés par le dispositif de FC surtout les Inspecteurs Pédagogiques, les Chefs de Départements Académiques et les membres du Comité d’Orientation Régionale ont été unanimes sur la manifestation de leur satisfaction au niveau:

  • de la qualité de préparation des dossiers (internes surtout) leur richesse ;
  • de l’efficacité des méthodes actives et des méthodes d’animation qu’ils mettent en place pour mobiliser les stagiaires ;
  • des outils et des supports utilisés et adaptés au public.
  • de la qualité des échanges entre les PR d’un même CR, ce qui permet de dire qu’ils commencent à travailler sur des projets et en équipe ;
  • du fait que certains formateurs ont déjà une réputation au niveau national.

b -  Effet sur la quantité

La montée en puissance du nombre des formations d’une année à l’autre, et d’un formateur à un autre. Cette montée est visible au niveau des actions transversales, ce qui prouve que les PR ont la capacité de se décentrer des contenus disciplinaires au profit d’une démarche centrée sur les besoins des stagiaires et sur la variété des processus d’apprentissage.

Le nombre de candidatures des enseignants qui s’inscrivent volontairement aux stages est en forte progression.

Enfin, on constate une nette amélioration de la représentation des enseignants sur la culture de formation qui se reflète par l’acceptation de suivre un stage pour améliorer leur performance.

 

2 - Des perspectives pour l’avenir

Sans avoir la prétention d’avoir résolu toutes les difficultés qui entravent le bon fonctionnement du dispositif de FC au Liban et qui sont dues en grande partie à l’état des lieux du système éducatif libanais, nous ne pouvons qu’affirmer que le CRDP, commanditaire et pilote de ce projet, a pu, avec l’aide du CIEP, répondre à des exigences d’une grande priorité concernant :

  • la mobilisation de 208 formateurs compétents pour assurer la formation dans les six Centres de Ressources ;
  • la mobilisation des différents acteurs éducatifs pour mettre en œuvre toutes les actions de formation.

 

IV- Des compétences à consolider

L’ouverture aux méthodes socio-constructivistes et cognitives des PR a constitué un tournant pédagogique dans l’exercice du métier de formateur. C’est une nouvelle culture qu’il faut continuer à soutenir, d’autant plus qu’il reste un certain nombre de PR qui continue à s’appuyer sur des méthodes traditionnelles quand le public n’est pas réceptif aux méthodes nouvelles.

Aucun indicateur ou très peu ne nous permet de dire que les enseignants réinvestissent réellement ces méthodes dans leur pratique de classe. Les PR n’ayant pas la possibilité de faire par eux-mêmes des observations dans les classes.

De réels besoins disciplinaires ont été repérés de façon convergente : Education physique et sportive, Education artistique et Enseignement préscolaire. Certains indicateurs nous permettent d’avancer à ce propos la remarque suivante : les PR recrutées dans ces disciplines ne maîtrisent pas assez la langue française. Leur démarche pédagogique est restée empirique, leur formation initiale est restée au niveau des savoirs pratiques excluant les savoirs théoriques… Tous ces obstacles les ont empêchés de progresser au niveau des méthodes utilisées dans les formations.   

Au lieu d’adapter les formations aux besoins des stagiaires, nous remarquons que certains PR, proposent aux formés ce qu’eux savent faire d’où la nécessité de renforcer l’analyse des besoins.

La formation des PR anglophones reste incomplète tant qu’ils ne se sont pas familiarisés avec les méthodes actives utilisées par leurs pairs francophones.

Des pistes nouvelles pour la formation des PR et des RCR

1- Pour les RCR

Les RCR sont des acteurs très investis dans le dispositif de formation continue, ils mobilisent toutes leurs compétences managériale, d’évaluation et d’animation. Il est nécessaire de leur proposer des formations adaptées à leurs rôles. Il se trouve que le rôle d’accompagnateur qui leur est assigné et la posture qu’il mérite devrait être renforcé par un dispositif qui favoriserait leur fonction et qui leur permettrait d’utiliser des outils adaptés à l’analyse de pratiques. Il leur faut une identification de leur rôle et de leur responsabilité. Quelles sont les limites de leurs interventions surtout au niveau des dossiers d’accompagnement préparés par les PR ?

 

2- Pour les PR

              Au-delà de la question de la formation à l’ingénierie de la formation, il est important de faire travailler les PR sur des questions disciplinaires de fond. En effet, certaines formations promues lors des différents séminaires, notre connaissance des contenus des curricula, nos observations dans les écoles et certains échos qui nous parviennent nous permettent de réaliser qu’il y a encore des lacunes scientifiques au niveau de toutes les disciplines.

  • Des études et des analyses de la situation du français comme langue véhiculant les savoirs scientifiques et mathématiques montrent les faibles compétences linguistiques des enseignants qui utilisent le français comme langue d’enseignement. La maîtrise du français s’avère également problématique pour les enseignants du français et les enseignants dans le préscolaire où les démarches, méthodes et activités méritent d’être fortement renouvelées.
  • Un approfondissent didactique s’avère nécessaire en direction des formateurs du français. De même que l’approfondissement de la réflexion concernant l’analyse des pratiques d’enseignement du français dans les classes leur serait particulièrement utile.
  • L’étude, dans les classes, des difficultés que peuvent rencontrer les « élèves en difficultés d’apprentissage », surtout les dyslexiques, mérite d’initier les formateurs des langues, entre autres, aux méthodes de remédiation.
  • Un dispositif de soutien scolaire doit être mis en place par les formateurs de toutes les disciplines en vue de former les enseignants aux méthodes de soutien scolaire. Ce dispositif doit intégrer les formateurs spécialistes vu leurs compétences en la matière.
  • Une formation en direction des formateurs de chaque discipline devrait prendre en considération la consolidation des compétences de base qui permettent aux élèves de passer d’un cycle à un autre.
  • Un suivi des formateurs disciplinaires s’avère d’une grande nécessité, soit au niveau de la gestion et de  l’animation, soit encore au niveau des gestes et des savoirs professionnels (formateurs d’adultes).

 

3 - Pour les PRS

Les personnes ressources spécialisées ont été la dernière promotion recrutée pour intégrer le dispositif de FC. Elles ont suivi trois semaines de formation pendant l’université d’été 2006 et un séminaire en mai 2007.

Les objectifs de leur formation ont été:

  1. L’acquisition et le renforcement des connaissances et des compétences opérationnelles relatives aux situations de difficulté et de handicap.
  2. L’identification de gestes et de postures professionnels à partir du retour réflexif sur les dispositifs de formation proposés par les formateurs au cours de la formation.
  3. Les problématiques de l’ingénierie de formation.

L’engagement des PRS était total. L’investissement des connaissances et des compétences acquises tout au long de la formation, la qualité de leurs réflexions, leur capacité à se décentrer pour verbaliser les processus de pensée et de conduite des analyses sur les contenus leur ont permis d’élaborer des outils opérationnels dans les domaines de difficulté et de handicap. Les bilans informels, individuels ou généraux ont révélé une satisfaction quant aux contenus de l’action de formation et aux modalités de sa mise en œuvre.

Les stagiaires ont exprimé l’impression de vivre une transformation professionnelle, certes non encore aboutie, mais déjà avancée.

Le bilan positif des formateurs français sur l’émergence d’une posture de formateur ouvert au travail d’équipe nous laisse satisfaits, mais ne nous rassure pas sur leur compétence à accompagner le transfert de leurs connaissances de formateur en situation réelle, leur représentation sur l’apprentissage en général et sur leur rôle de formateur dans le contexte libanais. Tout ceci, ajouté à l’instabilité de certaines connaissances conjoncturelles, devrait faire l’objet d’actions de formation.

 

Améliorer la qualité de l’enseignement était notre objectif au départ. Avons-nous réussi à former les formateurs à la démarche qualité ?

Le concept de qualité étant un concept complexe, qui nécessite une approche systémique qui implique de prendre en considération toutes les composantes de la personne formée et de l’environnement :

- Avous nous réussi, avec les moyens mis à notre disposition par l’Agence Française de Développement (AFD) et par le CIEP à mettre en route un processus d’amélioration de la performance des enseignants ?

- Avous nous réussi à donner aux formateurs les moyens de « dépasser le modèle empirique où l’on enseigne ce que l’on sait comme on le sait, en se fiant à l’illusion de la transparence du discours bien formulé » (M. Lagrand 1990).

- Avec la démarche des méthodes actives du socioconstructivisme et du cognitivisme, a-t-on pu au moins déclencher le processus de changement envisagé à travers les formations qui se mettent en route pour les enseignants ?

Toutes ces questions resteront sans réponses si on ne prend pas certaines mesures pour consolider les prérequis des formations.

 

  1. Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies? Quelles compétences? Léopold Paquay, Marguerite Atlet, Evelyne Charlier, Philippe Perrenoud. De Boeck, 3ème édition 2003.
  2. La formation professionnelle des enseignants. Analyse des pratiques et situations pédagogiques. Marguerite Atlet. Presses universitaires de France, 1ère édition 1994.
  3. Organiser des formations. André de Peretti. Hachette.
  4. Guide du formateur. Jean-Marie de Ketele, Maurice Chastrette, Danièle Cros, Pierre Mettelin, Jacques Thomas. De Boeck. PED, 2ème édition 2003.
  5. Faire l’école, faire la classe. Philippe Merieu. ESF, Paris 2004.
  6. Formateur d’adultes. Se professionnaliser. Exercer au quotiden. Jean-Paul Martin, Emile Savary. CAFOC de Nantes. Chronique sociale, 4ème édition 2004.

Former: pourquoi, comment?

 

Former: pourquoi, comment?

 

Marthe Tabet Chef du Département de programmation et de planification au CRDPAccepter d’intégrer un dispositif de formation continue c’est, tout d’abord, accepter de changer de statut et de profil, c’est à dire passer d’un statut d’enseignant à un statut de formateur d’enseignants (adultes). Mais ce changement en quoi consiste-t-il ? S’agit-il de dire : je change de métier, j’endosse celui de formateur. D’ailleurs, y a-t-il un métier de formateur? Et si oui quelle est la différence entre les deux métiers ?

 

II- Vers une définition de la formation

Même si le cadre général des réflexions et des réformes qui ont été menées dans les pays développés et qui, entre autres, remettent en question l’évolution du métier d’enseignant ainsi que sa place dans la communauté éducative ; les méthodes d’enseignement ont elles aussi fait l’objet de mises en cause et ont donné lieu à beaucoup d’expérimentations au fil des différents courants pédagogiques contemporains. Philippe Pernoud1, dans une de ses interventions, déclare : « … pour une part le métier est fait de routine que l’enseignant fait fonctionner de façon relativement consciente mais sans mesurer leur arbitraire donc sans les choisir et les maîtriser… c’est la part de reproduction … ou d’habitudes personnelles dont l’origine se perd ».

En comparaison avec la réalité de l’enseignement au Liban, on ne peut que constater l’évidence d’une telle situation : un corps professoral bien installé dans des habitudes d’apprentissage réduites à inculquer des savoirs généraux disciplinaires et culturels.

Ceci dit, nous ne nions pas que des renouvellements se sont produits au niveau de la rénovation des méthodes, rénovation apportée par le développement des sciences humaines et des expérimentations. Mais nous ne pouvons qu’affirmer que le corps enseignant se renouvelle, comme on le sait, par cooptation et selon des procédures qui assurent des modalités et des routines d’enseignement. Comment donc penser à un processus de socialisation par lequel la société (l’école de la vie) permettra à ses membres (les enseignants) de l’intégrer par transmission, et non pas par conformation et modélisation ? Transmission : de la culture enseignante, des compétences des capacités et des valeurs morales d’éthique et de déontologie.

 

1 -  La formation : action de transformation ?

Toute formation est transformation dans la mesure où elle est  individualisée, c’est à dire que c’est la personne en formation qui se forme. Elle est donc une action d’auto- transformation, de développement personnel de capacités et de compétences en vue de se professionnaliser, d’acquérir des connaissances nouvelles certes, mais aussi des savoir- faire et des aptitudes.

Cette auto-transformation ne peut se faire que par la médiation d’instruments, d’un programme, d’un dispositif, d’un contenu donc d’un médiateur que nous avons appelé «formateur» avec une réserve sur la représentation qu’on pourrait se faire de ce terme.

L’activité professionnelle et professionnalisante  du formateur ne peut s’exercer qu’au sein d’un système et doit être inscrite dans un cadre d’où, la création du « dispositif de Formation Continue».

 

2 - Pourquoi et comment former?

L’enseignant formateur ne peut exercer si on ne tient pas compte de ses besoins et de ses attentes et si on ne lui donne pas les moyens efficaces qui lui permettent de faire face et de s’adapter aux changements de pratique et de conception personnelles et professionnelles.

Il semble que se soit actuellement le modèle de professionnalité qui sous-tend le processus de professionnalisation des enseignants. C’est pourquoi nous avons opté, en tant que planificateur, pour un modèle conceptuel, celui d’un praticien « réflexif » et d’un praticien chercheur (M. Altet)2. Résolument convaincus que les savoirs professionnels ne  se construisent et ne se développent que sur le terrain, nous avons convenu au Bureau de Formation que le formateur que nous voulons engager pour intégrer le dispositif de formation doit continuer à enseigner, à savoir que c’est par la pratique orientée vers le contrôle des situations, la solution des problèmes et la réalisation des objectifs en contexte, que vont se développer ses connaissances professionnelles et ses savoirs du métier d’enseignant.

C’est dans l’optique de construire ces savoirs au travers de l’expérience pratique que nous avons rédigé nos cahiers des charges.

 

3 - Cahiers des charges et contenus des formations

Notre optique pédagogique de la construction des savoirs chez l’enseignant-formateur, inspirée par les travaux de M. Altet et de son équipe de chercheurs à l’Institut Universitaire des Formations des Maîtres (IUFM) de Nantes, repose sur la typologie des savoirs construite à partir des verbalisations des enseignants sur leurs actions et qui propose trois types de savoirs.

a.  Les savoirs théoriques

- savoirs à enseigner (disciplinaires) ;

- savoirs pour enseigner : ces savoirs sont en rapport avec la pédagogie de l’enseignement : gestion de la classe, gestion des conflits, gestion des apprentissages, savoirs didactiques dans les différentes disciplines et enfin les savoirs de la culture enseignante.

b. Les savoirs pratiques

   Ces savoirs sont acquis à partir de la pratique. Ils sont empiriques et sont catégorisés par la psychologie cognitive en :

- savoirs sur la pratique : les savoir-faire ou les savoirs procéduraux ;

- savoirs de la pratique : issus de l’expérience, de l’action de l’enseignement,  savoirs qui permettent de juger de la professionnalité de l’enseignant et de sa compétence d’adaptation aux différentes situations.

  c. Les savoirs qui se construisent

Il y a bien sûr d’autres catégorisations qui  proposent une pluralité de savoirs que les sciences cognitives ont développés et qui permettent d’articuler les savoirs et l’action mise en œuvre, et c’est sur ce type de savoirs que nous mettons l’accent : les savoirs intégrant la réflexion du professionnel sur sa pratique, les savoirs qui permettent d’analyser, de théoriser les pratiques, qui sont appelés « savoirs outils » et qui permettent de développer la compétence clé de la formation : le savoir analyser. Cette métacompétence permet la construction des compétences de l’enseignant professionnel parce qu’elle recouvre plusieurs dimensions :

- elle ouvre des pistes de recherche ;

- elle permet de « problématiser » ;

- elle utilise les savoirs instrumentaux qui permettent de rationaliser la pratique ;      

- elle permet la régulation de l’action et produit des modifications dans la pratique ;

Tous ces savoirs professionnels sont validés par la démarche d’investigation et par la transferabilité de ces savoirs dans des situations variées adaptées aux contextes, aux élèves, aux situations. La formation n’est plus modélisante, mais plutôt professionnalisante dans la mesure où elle propose de dispositifs variés qui permettent à l’enseignant/formateur d’analyser, de réfléchir, de justifier, d’opérationnaliser « ses savoirs d’expérience » en prenant des décisions automatisées fondées sur des schèmes d’analyse de situation qui lui permettent d’adapter ses actions de formation.

 

Les formations

Occasion pour le formateur de se construire, les stages conçus et animés par les éminents formateurs de l’académie de Créteil-IUFM de Melun furent aussi l’occasion de développer chez le futur formateur les compétences qui nous ont paru nécessaires pour que celui-ci fonctionne comme professionnel « réflexif », comme praticien chercheur et comme accompagnateur.

Les stratégies privilégiées par les formateurs pour former des praticiens « réflexifs » étaient multiples :

- réaliser un « diagnostic situationnel » ;

- produire des démarches instrumentées d’enseignement en référence à une théorie de psychologie cognitive ;

- associer les formateurs à une évaluation de leurs stages ou à l’analyse de leur action ;

- privilégier la démarche socio-constructiviste qui implique le formateur dans la conception des projets collectifs, d’où son rôle comme « acteur social » ;

- et, finalement, provoquer chez le formateur « en devenir » un mouvement vers un développement personnel et relationnel.

Les formations étaient donc l’occasion d’expérimenter et d’opérationnaliser les stratégies dégagées, d’affiner les outils éducatifs et de les adapter aux contextes, et de rétablir l’équilibre entre les représentations des formateurs sur l’acte d’apprendre comme inculcation des savoirs et l’acte d’apprendre comme action de recherche, de construction de confrontation avec des situations nouvelles riches en connaissances nouvelles. Tout ceci favorisé par la confrontation entre pairs dans un dispositif  d’accompagnement des enseignants pour les aider à s’auto-transformer et à développer leurs compétences.

La formation comme processus institutionnel

Notre conception de l’acte de formation est une conception multidimensionnelle. Nous l’envisageons comme un processus à trois dimensions, tout d’abord comme un acte individuel dans la mesure où c’est le formateur lui-même qui se construit et se développe en acquérant les savoirs et les savoir-faire du métier et ensuite comme un processus social par lequel la société l’intègre comme tel et lui permet, à travers un troisième processus, celui de l’institution, de se professionnaliser, d’avoir ce que l’on peut spécifier comme « le tour de main » pour accompagner ses pairs en devenir.

Cette définition nous permet d’expliquer, en tant qu’institution, notre conception d’un référentiel du métier de formateur. Nous avons inscrit ce référentiel dans un cahier des charges qui précise nos objectifs et nous l’avons mis en œuvre par une convention avec le CIEP, le Centre International d’Etudes Pédagogiques.Une équipe de responsables libanais en visite à l’Institut universitaire de formation des maîtres - Nantes - France.

d. Les compétences de base qui gèrent la professionnalité d’un formateur

 Par définition, être compétent «c’est être capable d’agir avec efficacité, c’est à dire capable de résoudre un problème dans une situation donnée ». Le terme compétence se réfère à une activité professionnelle ; il combine des savoirs théoriques, des savoir-faire (pratiques) et des savoir être (attitudes) liés à une situation donnée.

Tout métier exige un ensemble d’activités que le professionnel doit mettre en œuvre. Le formateur professionnel n’échappe pas à cette règle.

Un référentiel des grands domaines d’activité a été élaboré par des formateurs d’adultes (CAFOC de Nantes)6 et ce sont ces domaines que nous avons adoptés dans notre dispositif de formation de formateurs, d’autant que les activités sont celles liées à la conception et à la mise en œuvre des formations, c'est-à-dire liées aux compétences professionnalisantes de son métier de formateur. Mais là je me permets une réflexion : nous avons privilégié les compétences dites « professionnelles » en négligeant celles liées aux savoirs spécifiques de la discipline ; il s’est avéré ultérieurement que certains formateurs, surtout ceux de l’Education physique et sportive (EPS), l’Education artistique, l’Informatique et la Technologie manquaient de connaissances basiques, particulièrement au niveau de la didactique de ces disciplines. Ce qui montre que toute action de formation doit être conçue en fonction des besoins du public à former. Ceci nous amène à dire qu’un dispositif de formation, quel qu’il soit, doit être remis en question, revu, développé régulièrement. Il se peut aussi que les critères de recrutement doivent subir des modifications et des changements en vue d’un meilleur fonctionnement du dispositif mis en œuvre.

Séminaire de lancement du dispositif de Formation continue. Imprimerie du CRDP.

Référentiel des compétences à développer chez le formateur

Nous avons convenu avec les pilotes et les formateurs engagés par le CIEP de mettre l’accent sur certaines compétences plus pertinentes et qu’il est urgent de mettre en place vu les délais et le budget mis à notre disposition.

 

a- Concevoir un dispositif      

L’accent était mis sur les compétences de l’ordre de l’ingénierie de la formation :

  • analyser les besoins ;
  • rédiger un cahier des charges ;
  • construire un dispositif de formation qui répond aux besoins identifiés.

  

b - Préparer des interventions

  • Identifier et formuler les objectifs pédagogiques.
  • Organiser une action de formation en tenant compte des progressions.
  • Elaborer et réaliser des outils et des supports pédagogiques.

 

c - Animer une séquence de formation

  • Gérer une classe d’adultes.
  • Gérer les conflits.
  • S’adapter et adapter la formation en fonction des styles et des rythmes des « formés »…

 

d - Accompagner les stagiaires

  • Maîtriser les techniques d’entretien individuel et collectif.
  • Favoriser l’articulation entre théories et pratiques.
  • Assister les enseignants et les aider à élaborer leur projet d’auto-formation.

 

e - Evaluer et rendre compte

  • Concevoir et réaliser des dispositifs et des outils pour évaluer les apprentissages.
  • Evaluer sa pratique et évaluer ses actions.
  • Varier ses stratégies de formateur en variant les points de vue théoriques.

 

f - Piloter des actions

  • Planifier, gérer, adapter.
  • Travailler en groupe et en projet.

 

g - Entretenir des relations positives avec les différents cadres de la formation

Compétences d’éthique et de déontologie qui correspondent aux spécificités du nouveau métier. 

Au-delà de ces compétences que nous avons identifiées et des connaissances théoriques et méthodologiques qui constituent la personnalité du formateur, il est important de signaler qu’une grande partie de ce qui fait  le savoir formateur reste une démarche personnelle. Le formateur n’est pas formateur si sa pratique n’est pas « le reflet de la personne dans sa totalité ».

Enthousiaste, indécis, autoritaire, agréable, compréhensif… autant de qualifications sur lesquelles on ne peut intervenir. Analyser ses gestes personnels et professionnels reste un travail qui doit être fait tout au long de la vie. Il faut souvent que le formateur sache se poser les bonnes questions sur sa personne et sur sa pratique. On ne devient pas formateur en apprenant et en appliquant des recettes: on ne le devient qu’en acquérant ce « tour de main » qui se construit avec les « savoirs d’expérience ».

 

II- Où et comment ont eu lieu les formations des Personnes Ressource

1ère Université d’été en 2004 (en France)

En dépit des nombreux apports méthodologiques et pratiques du stage au CIEP et dans les différentes académies de France, nous pouvons confirmer que, pour cette première formation, les objectifs évoqués dans les termes du cahier des charges n’ont été que partiellement atteints, surtout au niveau de l’élaboration des plans de formation.

Il faut toutefois convenir que la disparité des niveaux des langues et des concepts disciplinaires ne favorisait pas la réalisation des objectifs de départ.

Une mission d’évaluation animée par l’Inspecteur Général M. André Hussenet et la représentante du CIEP Mme Anne-Marie Vaillé et tenant compte des propositions faites par le BF a conduit à prendre les décisions suivantes :

- dans le cadre de la formation des promotions de Personnes Ressource (PR) de la deuxième et la troisième vague, trois semaines de formation seront dispensées au Liban.

- une première semaine sera consacrée à la découverte des concepts et des outils de l’ingénierie de formation et deux autres semaines où seront regroupés les PR des deux promotions dans le cadre d’universités d’été qui proposeraient des modules de formation de formateurs en partie obligatoires et en partie à la carte.  

2ème Université d’été en 2005 

Cette phase du projet consacra la décision de privilégier les formations au Liban, décision dont le motif était surtout d’ordre budgétaire.

Le nombre important de stagiaires, leur hétérogénéité, leur regroupement dans un même lieu, constituaient un véritable défi.

Les PR appartenaient à des promotions différentes, à des Centres de Ressources (CR) différents, enseignants de différentes disciplines, quelques-unes avaient déjà encadré des stages tandis que d’autres amorçaient leur entrée dans la fonction.

La complexité de cette situation a été maîtrisée grâce à la coopération entre les partenaires libanais et français.

Les formateurs étaient bien préparés et mobilisés en nombre et en efficacité. La réussite de cette université a été facilitée par la mise en place des éléments suivants :

  1. l’unité de commandement assurée par le chef du projet M. André Hussenet et Mme A.M. Vaillé ;
  2. le clair partage des rôles ;
  3. l’évaluation régulière (tous les soirs) par une commission libanaise du CRDP ;
  4. les régulations collectives ;
  5. les réunions de coordination systématique des formateurs français.

Il reste que:

  • tous les enseignants/formateurs n’ont pas atteint le même niveau de compétences.
  • Les différentes PR ont entamé l’élaboration d’une culture commune.
  • Des équipes dans chaque CR ont été créées.
  • Un changement de position vis-à-vis du dispositif a été noté.
  • La qualité intellectuelle et l’engagement de jeunes recrutés ont surpris les formateurs français.

Réunir 150 personnes pour un stage résidentiel de deux semaines a présenté d’importantes difficultés :

  • les PR sont à des niveaux très différents d’expérience et ne sont pas au même stade dans le processus de formation.
  • l’inaccoutumance au travail en équipe. Cependant l’université d’été s’est déroulée dans un climat de travail positif grâce à :
  1. la qualité des lieux retenus : Saidet El Jabal « Notre Dame du Mont », un centre de conférences qui domine la plus belle baie du littoral libanais, et la qualité d’accueil de ses responsables.
  2. la bonne organisation en ateliers thématiques de cinq demi- journées.
  3. la bonne organisation matérielle mise en œuvre par les responsables du Bureau de Formation.
  4. l’encadrement par un nombre important de formateurs très professionnels.
  5. l’adoption de deux logiques différentes : travail par ateliers thématiques la 1ère semaine,et travail par centre et par discipline la 2ème semaine.

 

3ème Université d’été en 2006

La même logique d’organisation a été retenue pour l’université d’été 2006 par le Bureau de Formation.

  • la première semaine en juin a été consacrée à la formation de la troisième vague de PR.
  • Les deux semaines de juillet ont regroupé 109 stagiaires francophones auxquels il faut ajouter 18 stagiaires anglophones en plus des 15 formateurs français.
  • Les 18 Personnes Ressource Spécialisées (PRS) ont été associées aux autres.

L’objectif était de conduire, en parallèle, mais avec des interférences et des croisements de formation, la mise en œuvre de types de formation différents. La première semaine a forcément été plus facile à conduire que la deuxième semaine quant au programme.

La deuxième semaine était plus difficile à conduire vu la difficulté à faire cohabiter des stagiaires de catégories différentes (Personnes Ressource anglopnones, Personnes Ressource francophones, PRS, Formateurs de Formateurs, Chefs de Départements Académiques et les Responsables des Centres de Ressources). Ce à quoi vint s’ajouter le déclenchement de la guerre au Liban, le 12 juillet 2006.

 

III- Le bilan des formations des formateurs libanais

Un dispositif de 7 semaines de formation et de suivi pour chaque formateur libanais a été convenu avec le CIEP.

Entre 10 et 15 formateurs français des plus compétents et des plus professionnels ont été mobilisés pour former les 3 vagues de 208 formateurs recrutés sur 3 années consécutives.

Trois Universités d’été (2004 – 2005 – 2006)  et trois missions de suivi ont permis aux formés :

-     d’acquérir les fondamentaux de l’ingénierie de la formation ;

-     de se familiariser avec les démarches du socio-constructivisme ;

-     de construire des compétences et des outils opérationnels pour la conception et la conduite d’action de formation ;

-     de consolider leur entrée dans le métier de formateur.

Le bilan est largement positif. Le résultat obtenu en si peu de temps est le fruit de l’investissement de l’ensemble des acteurs concernés, allant de pair avec une remarquable capacité d’appropriation, de mise en œuvre de la part des PR et RCR.

Le Bureau de Formation avait créé en 2005-2006 un dispositif de formateurs spécialisés dans chacun des Centres de Ressources pour concevoir et conduire des actions de formation qui permettent :

  1. aux enseignants du préscolaire et du cycle 1 et 2 d’adopter une attitude constructive face aux difficultés de leurs élèves ;
  2. de donner aux enseignants les premiers outils de diagnostic des difficultés d’apprentissage ;
  3. de leur donner les techniques d’identification et de signalisation des difficultés qui nécessitent l’intervention de spécialistes ;
  4. de permettre aux enseignants d’acquérir des méthodes susceptibles de remédier aux difficultés les plus légères.

Ces PR spécialisées ont reçu seulement quatre semaines de formation qui leur ont permis cependant, à l’instar de leurs collègues, d’acquérir les compétences que nous avons évoquées précédemment et en plus d’affiner leurs compétences professionnelles.

Il a été question, dans leur formation, de travailler sur 4 axes :

Axe no1 :   clarification du point de vue des PR spécialisés et de celui des enseignants de la notion de handicap et de difficulté scolaire ;

Axe no2 :   analyse et repérage des besoins éducatifs des élèves dans l’école ;

Axe no3 :   adaptation des pratiques pédagogiques en classe ;

Axe no4 :   travail en équipe et en partenariat.

 

1 - Effets des formations conduites sur la performance et les acquis des formateurs

a -  Effets sur la qualité des actions menées par les PR.

Les différents partenaires concernés par le dispositif de FC surtout les Inspecteurs Pédagogiques, les Chefs de Départements Académiques et les membres du Comité d’Orientation Régionale ont été unanimes sur la manifestation de leur satisfaction au niveau:

  • de la qualité de préparation des dossiers (internes surtout) leur richesse ;
  • de l’efficacité des méthodes actives et des méthodes d’animation qu’ils mettent en place pour mobiliser les stagiaires ;
  • des outils et des supports utilisés et adaptés au public.
  • de la qualité des échanges entre les PR d’un même CR, ce qui permet de dire qu’ils commencent à travailler sur des projets et en équipe ;
  • du fait que certains formateurs ont déjà une réputation au niveau national.

b -  Effet sur la quantité

La montée en puissance du nombre des formations d’une année à l’autre, et d’un formateur à un autre. Cette montée est visible au niveau des actions transversales, ce qui prouve que les PR ont la capacité de se décentrer des contenus disciplinaires au profit d’une démarche centrée sur les besoins des stagiaires et sur la variété des processus d’apprentissage.

Le nombre de candidatures des enseignants qui s’inscrivent volontairement aux stages est en forte progression.

Enfin, on constate une nette amélioration de la représentation des enseignants sur la culture de formation qui se reflète par l’acceptation de suivre un stage pour améliorer leur performance.

 

2 - Des perspectives pour l’avenir

Sans avoir la prétention d’avoir résolu toutes les difficultés qui entravent le bon fonctionnement du dispositif de FC au Liban et qui sont dues en grande partie à l’état des lieux du système éducatif libanais, nous ne pouvons qu’affirmer que le CRDP, commanditaire et pilote de ce projet, a pu, avec l’aide du CIEP, répondre à des exigences d’une grande priorité concernant :

  • la mobilisation de 208 formateurs compétents pour assurer la formation dans les six Centres de Ressources ;
  • la mobilisation des différents acteurs éducatifs pour mettre en œuvre toutes les actions de formation.

 

IV- Des compétences à consolider

L’ouverture aux méthodes socio-constructivistes et cognitives des PR a constitué un tournant pédagogique dans l’exercice du métier de formateur. C’est une nouvelle culture qu’il faut continuer à soutenir, d’autant plus qu’il reste un certain nombre de PR qui continue à s’appuyer sur des méthodes traditionnelles quand le public n’est pas réceptif aux méthodes nouvelles.

Aucun indicateur ou très peu ne nous permet de dire que les enseignants réinvestissent réellement ces méthodes dans leur pratique de classe. Les PR n’ayant pas la possibilité de faire par eux-mêmes des observations dans les classes.

De réels besoins disciplinaires ont été repérés de façon convergente : Education physique et sportive, Education artistique et Enseignement préscolaire. Certains indicateurs nous permettent d’avancer à ce propos la remarque suivante : les PR recrutées dans ces disciplines ne maîtrisent pas assez la langue française. Leur démarche pédagogique est restée empirique, leur formation initiale est restée au niveau des savoirs pratiques excluant les savoirs théoriques… Tous ces obstacles les ont empêchés de progresser au niveau des méthodes utilisées dans les formations.   

Au lieu d’adapter les formations aux besoins des stagiaires, nous remarquons que certains PR, proposent aux formés ce qu’eux savent faire d’où la nécessité de renforcer l’analyse des besoins.

La formation des PR anglophones reste incomplète tant qu’ils ne se sont pas familiarisés avec les méthodes actives utilisées par leurs pairs francophones.

Des pistes nouvelles pour la formation des PR et des RCR

1- Pour les RCR

Les RCR sont des acteurs très investis dans le dispositif de formation continue, ils mobilisent toutes leurs compétences managériale, d’évaluation et d’animation. Il est nécessaire de leur proposer des formations adaptées à leurs rôles. Il se trouve que le rôle d’accompagnateur qui leur est assigné et la posture qu’il mérite devrait être renforcé par un dispositif qui favoriserait leur fonction et qui leur permettrait d’utiliser des outils adaptés à l’analyse de pratiques. Il leur faut une identification de leur rôle et de leur responsabilité. Quelles sont les limites de leurs interventions surtout au niveau des dossiers d’accompagnement préparés par les PR ?

 

2- Pour les PR

              Au-delà de la question de la formation à l’ingénierie de la formation, il est important de faire travailler les PR sur des questions disciplinaires de fond. En effet, certaines formations promues lors des différents séminaires, notre connaissance des contenus des curricula, nos observations dans les écoles et certains échos qui nous parviennent nous permettent de réaliser qu’il y a encore des lacunes scientifiques au niveau de toutes les disciplines.

  • Des études et des analyses de la situation du français comme langue véhiculant les savoirs scientifiques et mathématiques montrent les faibles compétences linguistiques des enseignants qui utilisent le français comme langue d’enseignement. La maîtrise du français s’avère également problématique pour les enseignants du français et les enseignants dans le préscolaire où les démarches, méthodes et activités méritent d’être fortement renouvelées.
  • Un approfondissent didactique s’avère nécessaire en direction des formateurs du français. De même que l’approfondissement de la réflexion concernant l’analyse des pratiques d’enseignement du français dans les classes leur serait particulièrement utile.
  • L’étude, dans les classes, des difficultés que peuvent rencontrer les « élèves en difficultés d’apprentissage », surtout les dyslexiques, mérite d’initier les formateurs des langues, entre autres, aux méthodes de remédiation.
  • Un dispositif de soutien scolaire doit être mis en place par les formateurs de toutes les disciplines en vue de former les enseignants aux méthodes de soutien scolaire. Ce dispositif doit intégrer les formateurs spécialistes vu leurs compétences en la matière.
  • Une formation en direction des formateurs de chaque discipline devrait prendre en considération la consolidation des compétences de base qui permettent aux élèves de passer d’un cycle à un autre.
  • Un suivi des formateurs disciplinaires s’avère d’une grande nécessité, soit au niveau de la gestion et de  l’animation, soit encore au niveau des gestes et des savoirs professionnels (formateurs d’adultes).

 

3 - Pour les PRS

Les personnes ressources spécialisées ont été la dernière promotion recrutée pour intégrer le dispositif de FC. Elles ont suivi trois semaines de formation pendant l’université d’été 2006 et un séminaire en mai 2007.

Les objectifs de leur formation ont été:

  1. L’acquisition et le renforcement des connaissances et des compétences opérationnelles relatives aux situations de difficulté et de handicap.
  2. L’identification de gestes et de postures professionnels à partir du retour réflexif sur les dispositifs de formation proposés par les formateurs au cours de la formation.
  3. Les problématiques de l’ingénierie de formation.

L’engagement des PRS était total. L’investissement des connaissances et des compétences acquises tout au long de la formation, la qualité de leurs réflexions, leur capacité à se décentrer pour verbaliser les processus de pensée et de conduite des analyses sur les contenus leur ont permis d’élaborer des outils opérationnels dans les domaines de difficulté et de handicap. Les bilans informels, individuels ou généraux ont révélé une satisfaction quant aux contenus de l’action de formation et aux modalités de sa mise en œuvre.

Les stagiaires ont exprimé l’impression de vivre une transformation professionnelle, certes non encore aboutie, mais déjà avancée.

Le bilan positif des formateurs français sur l’émergence d’une posture de formateur ouvert au travail d’équipe nous laisse satisfaits, mais ne nous rassure pas sur leur compétence à accompagner le transfert de leurs connaissances de formateur en situation réelle, leur représentation sur l’apprentissage en général et sur leur rôle de formateur dans le contexte libanais. Tout ceci, ajouté à l’instabilité de certaines connaissances conjoncturelles, devrait faire l’objet d’actions de formation.

 

Améliorer la qualité de l’enseignement était notre objectif au départ. Avons-nous réussi à former les formateurs à la démarche qualité ?

Le concept de qualité étant un concept complexe, qui nécessite une approche systémique qui implique de prendre en considération toutes les composantes de la personne formée et de l’environnement :

- Avous nous réussi, avec les moyens mis à notre disposition par l’Agence Française de Développement (AFD) et par le CIEP à mettre en route un processus d’amélioration de la performance des enseignants ?

- Avous nous réussi à donner aux formateurs les moyens de « dépasser le modèle empirique où l’on enseigne ce que l’on sait comme on le sait, en se fiant à l’illusion de la transparence du discours bien formulé » (M. Lagrand 1990).

- Avec la démarche des méthodes actives du socioconstructivisme et du cognitivisme, a-t-on pu au moins déclencher le processus de changement envisagé à travers les formations qui se mettent en route pour les enseignants ?

Toutes ces questions resteront sans réponses si on ne prend pas certaines mesures pour consolider les prérequis des formations.

 

  1. Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies? Quelles compétences? Léopold Paquay, Marguerite Atlet, Evelyne Charlier, Philippe Perrenoud. De Boeck, 3ème édition 2003.
  2. La formation professionnelle des enseignants. Analyse des pratiques et situations pédagogiques. Marguerite Atlet. Presses universitaires de France, 1ère édition 1994.
  3. Organiser des formations. André de Peretti. Hachette.
  4. Guide du formateur. Jean-Marie de Ketele, Maurice Chastrette, Danièle Cros, Pierre Mettelin, Jacques Thomas. De Boeck. PED, 2ème édition 2003.
  5. Faire l’école, faire la classe. Philippe Merieu. ESF, Paris 2004.
  6. Formateur d’adultes. Se professionnaliser. Exercer au quotiden. Jean-Paul Martin, Emile Savary. CAFOC de Nantes. Chronique sociale, 4ème édition 2004.

Former: pourquoi, comment?

 

Former: pourquoi, comment?

 

Marthe Tabet Chef du Département de programmation et de planification au CRDPAccepter d’intégrer un dispositif de formation continue c’est, tout d’abord, accepter de changer de statut et de profil, c’est à dire passer d’un statut d’enseignant à un statut de formateur d’enseignants (adultes). Mais ce changement en quoi consiste-t-il ? S’agit-il de dire : je change de métier, j’endosse celui de formateur. D’ailleurs, y a-t-il un métier de formateur? Et si oui quelle est la différence entre les deux métiers ?

 

II- Vers une définition de la formation

Même si le cadre général des réflexions et des réformes qui ont été menées dans les pays développés et qui, entre autres, remettent en question l’évolution du métier d’enseignant ainsi que sa place dans la communauté éducative ; les méthodes d’enseignement ont elles aussi fait l’objet de mises en cause et ont donné lieu à beaucoup d’expérimentations au fil des différents courants pédagogiques contemporains. Philippe Pernoud1, dans une de ses interventions, déclare : « … pour une part le métier est fait de routine que l’enseignant fait fonctionner de façon relativement consciente mais sans mesurer leur arbitraire donc sans les choisir et les maîtriser… c’est la part de reproduction … ou d’habitudes personnelles dont l’origine se perd ».

En comparaison avec la réalité de l’enseignement au Liban, on ne peut que constater l’évidence d’une telle situation : un corps professoral bien installé dans des habitudes d’apprentissage réduites à inculquer des savoirs généraux disciplinaires et culturels.

Ceci dit, nous ne nions pas que des renouvellements se sont produits au niveau de la rénovation des méthodes, rénovation apportée par le développement des sciences humaines et des expérimentations. Mais nous ne pouvons qu’affirmer que le corps enseignant se renouvelle, comme on le sait, par cooptation et selon des procédures qui assurent des modalités et des routines d’enseignement. Comment donc penser à un processus de socialisation par lequel la société (l’école de la vie) permettra à ses membres (les enseignants) de l’intégrer par transmission, et non pas par conformation et modélisation ? Transmission : de la culture enseignante, des compétences des capacités et des valeurs morales d’éthique et de déontologie.

 

1 -  La formation : action de transformation ?

Toute formation est transformation dans la mesure où elle est  individualisée, c’est à dire que c’est la personne en formation qui se forme. Elle est donc une action d’auto- transformation, de développement personnel de capacités et de compétences en vue de se professionnaliser, d’acquérir des connaissances nouvelles certes, mais aussi des savoir- faire et des aptitudes.

Cette auto-transformation ne peut se faire que par la médiation d’instruments, d’un programme, d’un dispositif, d’un contenu donc d’un médiateur que nous avons appelé «formateur» avec une réserve sur la représentation qu’on pourrait se faire de ce terme.

L’activité professionnelle et professionnalisante  du formateur ne peut s’exercer qu’au sein d’un système et doit être inscrite dans un cadre d’où, la création du « dispositif de Formation Continue».

 

2 - Pourquoi et comment former?

L’enseignant formateur ne peut exercer si on ne tient pas compte de ses besoins et de ses attentes et si on ne lui donne pas les moyens efficaces qui lui permettent de faire face et de s’adapter aux changements de pratique et de conception personnelles et professionnelles.

Il semble que se soit actuellement le modèle de professionnalité qui sous-tend le processus de professionnalisation des enseignants. C’est pourquoi nous avons opté, en tant que planificateur, pour un modèle conceptuel, celui d’un praticien « réflexif » et d’un praticien chercheur (M. Altet)2. Résolument convaincus que les savoirs professionnels ne  se construisent et ne se développent que sur le terrain, nous avons convenu au Bureau de Formation que le formateur que nous voulons engager pour intégrer le dispositif de formation doit continuer à enseigner, à savoir que c’est par la pratique orientée vers le contrôle des situations, la solution des problèmes et la réalisation des objectifs en contexte, que vont se développer ses connaissances professionnelles et ses savoirs du métier d’enseignant.

C’est dans l’optique de construire ces savoirs au travers de l’expérience pratique que nous avons rédigé nos cahiers des charges.

 

3 - Cahiers des charges et contenus des formations

Notre optique pédagogique de la construction des savoirs chez l’enseignant-formateur, inspirée par les travaux de M. Altet et de son équipe de chercheurs à l’Institut Universitaire des Formations des Maîtres (IUFM) de Nantes, repose sur la typologie des savoirs construite à partir des verbalisations des enseignants sur leurs actions et qui propose trois types de savoirs.

a.  Les savoirs théoriques

- savoirs à enseigner (disciplinaires) ;

- savoirs pour enseigner : ces savoirs sont en rapport avec la pédagogie de l’enseignement : gestion de la classe, gestion des conflits, gestion des apprentissages, savoirs didactiques dans les différentes disciplines et enfin les savoirs de la culture enseignante.

b. Les savoirs pratiques

   Ces savoirs sont acquis à partir de la pratique. Ils sont empiriques et sont catégorisés par la psychologie cognitive en :

- savoirs sur la pratique : les savoir-faire ou les savoirs procéduraux ;

- savoirs de la pratique : issus de l’expérience, de l’action de l’enseignement,  savoirs qui permettent de juger de la professionnalité de l’enseignant et de sa compétence d’adaptation aux différentes situations.

  c. Les savoirs qui se construisent

Il y a bien sûr d’autres catégorisations qui  proposent une pluralité de savoirs que les sciences cognitives ont développés et qui permettent d’articuler les savoirs et l’action mise en œuvre, et c’est sur ce type de savoirs que nous mettons l’accent : les savoirs intégrant la réflexion du professionnel sur sa pratique, les savoirs qui permettent d’analyser, de théoriser les pratiques, qui sont appelés « savoirs outils » et qui permettent de développer la compétence clé de la formation : le savoir analyser. Cette métacompétence permet la construction des compétences de l’enseignant professionnel parce qu’elle recouvre plusieurs dimensions :

- elle ouvre des pistes de recherche ;

- elle permet de « problématiser » ;

- elle utilise les savoirs instrumentaux qui permettent de rationaliser la pratique ;      

- elle permet la régulation de l’action et produit des modifications dans la pratique ;

Tous ces savoirs professionnels sont validés par la démarche d’investigation et par la transferabilité de ces savoirs dans des situations variées adaptées aux contextes, aux élèves, aux situations. La formation n’est plus modélisante, mais plutôt professionnalisante dans la mesure où elle propose de dispositifs variés qui permettent à l’enseignant/formateur d’analyser, de réfléchir, de justifier, d’opérationnaliser « ses savoirs d’expérience » en prenant des décisions automatisées fondées sur des schèmes d’analyse de situation qui lui permettent d’adapter ses actions de formation.

 

Les formations

Occasion pour le formateur de se construire, les stages conçus et animés par les éminents formateurs de l’académie de Créteil-IUFM de Melun furent aussi l’occasion de développer chez le futur formateur les compétences qui nous ont paru nécessaires pour que celui-ci fonctionne comme professionnel « réflexif », comme praticien chercheur et comme accompagnateur.

Les stratégies privilégiées par les formateurs pour former des praticiens « réflexifs » étaient multiples :

- réaliser un « diagnostic situationnel » ;

- produire des démarches instrumentées d’enseignement en référence à une théorie de psychologie cognitive ;

- associer les formateurs à une évaluation de leurs stages ou à l’analyse de leur action ;

- privilégier la démarche socio-constructiviste qui implique le formateur dans la conception des projets collectifs, d’où son rôle comme « acteur social » ;

- et, finalement, provoquer chez le formateur « en devenir » un mouvement vers un développement personnel et relationnel.

Les formations étaient donc l’occasion d’expérimenter et d’opérationnaliser les stratégies dégagées, d’affiner les outils éducatifs et de les adapter aux contextes, et de rétablir l’équilibre entre les représentations des formateurs sur l’acte d’apprendre comme inculcation des savoirs et l’acte d’apprendre comme action de recherche, de construction de confrontation avec des situations nouvelles riches en connaissances nouvelles. Tout ceci favorisé par la confrontation entre pairs dans un dispositif  d’accompagnement des enseignants pour les aider à s’auto-transformer et à développer leurs compétences.

La formation comme processus institutionnel

Notre conception de l’acte de formation est une conception multidimensionnelle. Nous l’envisageons comme un processus à trois dimensions, tout d’abord comme un acte individuel dans la mesure où c’est le formateur lui-même qui se construit et se développe en acquérant les savoirs et les savoir-faire du métier et ensuite comme un processus social par lequel la société l’intègre comme tel et lui permet, à travers un troisième processus, celui de l’institution, de se professionnaliser, d’avoir ce que l’on peut spécifier comme « le tour de main » pour accompagner ses pairs en devenir.

Cette définition nous permet d’expliquer, en tant qu’institution, notre conception d’un référentiel du métier de formateur. Nous avons inscrit ce référentiel dans un cahier des charges qui précise nos objectifs et nous l’avons mis en œuvre par une convention avec le CIEP, le Centre International d’Etudes Pédagogiques.Une équipe de responsables libanais en visite à l’Institut universitaire de formation des maîtres - Nantes - France.

d. Les compétences de base qui gèrent la professionnalité d’un formateur

 Par définition, être compétent «c’est être capable d’agir avec efficacité, c’est à dire capable de résoudre un problème dans une situation donnée ». Le terme compétence se réfère à une activité professionnelle ; il combine des savoirs théoriques, des savoir-faire (pratiques) et des savoir être (attitudes) liés à une situation donnée.

Tout métier exige un ensemble d’activités que le professionnel doit mettre en œuvre. Le formateur professionnel n’échappe pas à cette règle.

Un référentiel des grands domaines d’activité a été élaboré par des formateurs d’adultes (CAFOC de Nantes)6 et ce sont ces domaines que nous avons adoptés dans notre dispositif de formation de formateurs, d’autant que les activités sont celles liées à la conception et à la mise en œuvre des formations, c'est-à-dire liées aux compétences professionnalisantes de son métier de formateur. Mais là je me permets une réflexion : nous avons privilégié les compétences dites « professionnelles » en négligeant celles liées aux savoirs spécifiques de la discipline ; il s’est avéré ultérieurement que certains formateurs, surtout ceux de l’Education physique et sportive (EPS), l’Education artistique, l’Informatique et la Technologie manquaient de connaissances basiques, particulièrement au niveau de la didactique de ces disciplines. Ce qui montre que toute action de formation doit être conçue en fonction des besoins du public à former. Ceci nous amène à dire qu’un dispositif de formation, quel qu’il soit, doit être remis en question, revu, développé régulièrement. Il se peut aussi que les critères de recrutement doivent subir des modifications et des changements en vue d’un meilleur fonctionnement du dispositif mis en œuvre.

Séminaire de lancement du dispositif de Formation continue. Imprimerie du CRDP.

Référentiel des compétences à développer chez le formateur

Nous avons convenu avec les pilotes et les formateurs engagés par le CIEP de mettre l’accent sur certaines compétences plus pertinentes et qu’il est urgent de mettre en place vu les délais et le budget mis à notre disposition.

 

a- Concevoir un dispositif      

L’accent était mis sur les compétences de l’ordre de l’ingénierie de la formation :

  • analyser les besoins ;
  • rédiger un cahier des charges ;
  • construire un dispositif de formation qui répond aux besoins identifiés.

  

b - Préparer des interventions

  • Identifier et formuler les objectifs pédagogiques.
  • Organiser une action de formation en tenant compte des progressions.
  • Elaborer et réaliser des outils et des supports pédagogiques.

 

c - Animer une séquence de formation

  • Gérer une classe d’adultes.
  • Gérer les conflits.
  • S’adapter et adapter la formation en fonction des styles et des rythmes des « formés »…

 

d - Accompagner les stagiaires

  • Maîtriser les techniques d’entretien individuel et collectif.
  • Favoriser l’articulation entre théories et pratiques.
  • Assister les enseignants et les aider à élaborer leur projet d’auto-formation.

 

e - Evaluer et rendre compte

  • Concevoir et réaliser des dispositifs et des outils pour évaluer les apprentissages.
  • Evaluer sa pratique et évaluer ses actions.
  • Varier ses stratégies de formateur en variant les points de vue théoriques.

 

f - Piloter des actions

  • Planifier, gérer, adapter.
  • Travailler en groupe et en projet.

 

g - Entretenir des relations positives avec les différents cadres de la formation

Compétences d’éthique et de déontologie qui correspondent aux spécificités du nouveau métier. 

Au-delà de ces compétences que nous avons identifiées et des connaissances théoriques et méthodologiques qui constituent la personnalité du formateur, il est important de signaler qu’une grande partie de ce qui fait  le savoir formateur reste une démarche personnelle. Le formateur n’est pas formateur si sa pratique n’est pas « le reflet de la personne dans sa totalité ».

Enthousiaste, indécis, autoritaire, agréable, compréhensif… autant de qualifications sur lesquelles on ne peut intervenir. Analyser ses gestes personnels et professionnels reste un travail qui doit être fait tout au long de la vie. Il faut souvent que le formateur sache se poser les bonnes questions sur sa personne et sur sa pratique. On ne devient pas formateur en apprenant et en appliquant des recettes: on ne le devient qu’en acquérant ce « tour de main » qui se construit avec les « savoirs d’expérience ».

 

II- Où et comment ont eu lieu les formations des Personnes Ressource

1ère Université d’été en 2004 (en France)

En dépit des nombreux apports méthodologiques et pratiques du stage au CIEP et dans les différentes académies de France, nous pouvons confirmer que, pour cette première formation, les objectifs évoqués dans les termes du cahier des charges n’ont été que partiellement atteints, surtout au niveau de l’élaboration des plans de formation.

Il faut toutefois convenir que la disparité des niveaux des langues et des concepts disciplinaires ne favorisait pas la réalisation des objectifs de départ.

Une mission d’évaluation animée par l’Inspecteur Général M. André Hussenet et la représentante du CIEP Mme Anne-Marie Vaillé et tenant compte des propositions faites par le BF a conduit à prendre les décisions suivantes :

- dans le cadre de la formation des promotions de Personnes Ressource (PR) de la deuxième et la troisième vague, trois semaines de formation seront dispensées au Liban.

- une première semaine sera consacrée à la découverte des concepts et des outils de l’ingénierie de formation et deux autres semaines où seront regroupés les PR des deux promotions dans le cadre d’universités d’été qui proposeraient des modules de formation de formateurs en partie obligatoires et en partie à la carte.  

2ème Université d’été en 2005 

Cette phase du projet consacra la décision de privilégier les formations au Liban, décision dont le motif était surtout d’ordre budgétaire.

Le nombre important de stagiaires, leur hétérogénéité, leur regroupement dans un même lieu, constituaient un véritable défi.

Les PR appartenaient à des promotions différentes, à des Centres de Ressources (CR) différents, enseignants de différentes disciplines, quelques-unes avaient déjà encadré des stages tandis que d’autres amorçaient leur entrée dans la fonction.

La complexité de cette situation a été maîtrisée grâce à la coopération entre les partenaires libanais et français.

Les formateurs étaient bien préparés et mobilisés en nombre et en efficacité. La réussite de cette université a été facilitée par la mise en place des éléments suivants :

  1. l’unité de commandement assurée par le chef du projet M. André Hussenet et Mme A.M. Vaillé ;
  2. le clair partage des rôles ;
  3. l’évaluation régulière (tous les soirs) par une commission libanaise du CRDP ;
  4. les régulations collectives ;
  5. les réunions de coordination systématique des formateurs français.

Il reste que:

  • tous les enseignants/formateurs n’ont pas atteint le même niveau de compétences.
  • Les différentes PR ont entamé l’élaboration d’une culture commune.
  • Des équipes dans chaque CR ont été créées.
  • Un changement de position vis-à-vis du dispositif a été noté.
  • La qualité intellectuelle et l’engagement de jeunes recrutés ont surpris les formateurs français.

Réunir 150 personnes pour un stage résidentiel de deux semaines a présenté d’importantes difficultés :

  • les PR sont à des niveaux très différents d’expérience et ne sont pas au même stade dans le processus de formation.
  • l’inaccoutumance au travail en équipe. Cependant l’université d’été s’est déroulée dans un climat de travail positif grâce à :
  1. la qualité des lieux retenus : Saidet El Jabal « Notre Dame du Mont », un centre de conférences qui domine la plus belle baie du littoral libanais, et la qualité d’accueil de ses responsables.
  2. la bonne organisation en ateliers thématiques de cinq demi- journées.
  3. la bonne organisation matérielle mise en œuvre par les responsables du Bureau de Formation.
  4. l’encadrement par un nombre important de formateurs très professionnels.
  5. l’adoption de deux logiques différentes : travail par ateliers thématiques la 1ère semaine,et travail par centre et par discipline la 2ème semaine.

 

3ème Université d’été en 2006

La même logique d’organisation a été retenue pour l’université d’été 2006 par le Bureau de Formation.

  • la première semaine en juin a été consacrée à la formation de la troisième vague de PR.
  • Les deux semaines de juillet ont regroupé 109 stagiaires francophones auxquels il faut ajouter 18 stagiaires anglophones en plus des 15 formateurs français.
  • Les 18 Personnes Ressource Spécialisées (PRS) ont été associées aux autres.

L’objectif était de conduire, en parallèle, mais avec des interférences et des croisements de formation, la mise en œuvre de types de formation différents. La première semaine a forcément été plus facile à conduire que la deuxième semaine quant au programme.

La deuxième semaine était plus difficile à conduire vu la difficulté à faire cohabiter des stagiaires de catégories différentes (Personnes Ressource anglopnones, Personnes Ressource francophones, PRS, Formateurs de Formateurs, Chefs de Départements Académiques et les Responsables des Centres de Ressources). Ce à quoi vint s’ajouter le déclenchement de la guerre au Liban, le 12 juillet 2006.

 

III- Le bilan des formations des formateurs libanais

Un dispositif de 7 semaines de formation et de suivi pour chaque formateur libanais a été convenu avec le CIEP.

Entre 10 et 15 formateurs français des plus compétents et des plus professionnels ont été mobilisés pour former les 3 vagues de 208 formateurs recrutés sur 3 années consécutives.

Trois Universités d’été (2004 – 2005 – 2006)  et trois missions de suivi ont permis aux formés :

-     d’acquérir les fondamentaux de l’ingénierie de la formation ;

-     de se familiariser avec les démarches du socio-constructivisme ;

-     de construire des compétences et des outils opérationnels pour la conception et la conduite d’action de formation ;

-     de consolider leur entrée dans le métier de formateur.

Le bilan est largement positif. Le résultat obtenu en si peu de temps est le fruit de l’investissement de l’ensemble des acteurs concernés, allant de pair avec une remarquable capacité d’appropriation, de mise en œuvre de la part des PR et RCR.

Le Bureau de Formation avait créé en 2005-2006 un dispositif de formateurs spécialisés dans chacun des Centres de Ressources pour concevoir et conduire des actions de formation qui permettent :

  1. aux enseignants du préscolaire et du cycle 1 et 2 d’adopter une attitude constructive face aux difficultés de leurs élèves ;
  2. de donner aux enseignants les premiers outils de diagnostic des difficultés d’apprentissage ;
  3. de leur donner les techniques d’identification et de signalisation des difficultés qui nécessitent l’intervention de spécialistes ;
  4. de permettre aux enseignants d’acquérir des méthodes susceptibles de remédier aux difficultés les plus légères.

Ces PR spécialisées ont reçu seulement quatre semaines de formation qui leur ont permis cependant, à l’instar de leurs collègues, d’acquérir les compétences que nous avons évoquées précédemment et en plus d’affiner leurs compétences professionnelles.

Il a été question, dans leur formation, de travailler sur 4 axes :

Axe no1 :   clarification du point de vue des PR spécialisés et de celui des enseignants de la notion de handicap et de difficulté scolaire ;

Axe no2 :   analyse et repérage des besoins éducatifs des élèves dans l’école ;

Axe no3 :   adaptation des pratiques pédagogiques en classe ;

Axe no4 :   travail en équipe et en partenariat.

 

1 - Effets des formations conduites sur la performance et les acquis des formateurs

a -  Effets sur la qualité des actions menées par les PR.

Les différents partenaires concernés par le dispositif de FC surtout les Inspecteurs Pédagogiques, les Chefs de Départements Académiques et les membres du Comité d’Orientation Régionale ont été unanimes sur la manifestation de leur satisfaction au niveau:

  • de la qualité de préparation des dossiers (internes surtout) leur richesse ;
  • de l’efficacité des méthodes actives et des méthodes d’animation qu’ils mettent en place pour mobiliser les stagiaires ;
  • des outils et des supports utilisés et adaptés au public.
  • de la qualité des échanges entre les PR d’un même CR, ce qui permet de dire qu’ils commencent à travailler sur des projets et en équipe ;
  • du fait que certains formateurs ont déjà une réputation au niveau national.

b -  Effet sur la quantité

La montée en puissance du nombre des formations d’une année à l’autre, et d’un formateur à un autre. Cette montée est visible au niveau des actions transversales, ce qui prouve que les PR ont la capacité de se décentrer des contenus disciplinaires au profit d’une démarche centrée sur les besoins des stagiaires et sur la variété des processus d’apprentissage.

Le nombre de candidatures des enseignants qui s’inscrivent volontairement aux stages est en forte progression.

Enfin, on constate une nette amélioration de la représentation des enseignants sur la culture de formation qui se reflète par l’acceptation de suivre un stage pour améliorer leur performance.

 

2 - Des perspectives pour l’avenir

Sans avoir la prétention d’avoir résolu toutes les difficultés qui entravent le bon fonctionnement du dispositif de FC au Liban et qui sont dues en grande partie à l’état des lieux du système éducatif libanais, nous ne pouvons qu’affirmer que le CRDP, commanditaire et pilote de ce projet, a pu, avec l’aide du CIEP, répondre à des exigences d’une grande priorité concernant :

  • la mobilisation de 208 formateurs compétents pour assurer la formation dans les six Centres de Ressources ;
  • la mobilisation des différents acteurs éducatifs pour mettre en œuvre toutes les actions de formation.

 

IV- Des compétences à consolider

L’ouverture aux méthodes socio-constructivistes et cognitives des PR a constitué un tournant pédagogique dans l’exercice du métier de formateur. C’est une nouvelle culture qu’il faut continuer à soutenir, d’autant plus qu’il reste un certain nombre de PR qui continue à s’appuyer sur des méthodes traditionnelles quand le public n’est pas réceptif aux méthodes nouvelles.

Aucun indicateur ou très peu ne nous permet de dire que les enseignants réinvestissent réellement ces méthodes dans leur pratique de classe. Les PR n’ayant pas la possibilité de faire par eux-mêmes des observations dans les classes.

De réels besoins disciplinaires ont été repérés de façon convergente : Education physique et sportive, Education artistique et Enseignement préscolaire. Certains indicateurs nous permettent d’avancer à ce propos la remarque suivante : les PR recrutées dans ces disciplines ne maîtrisent pas assez la langue française. Leur démarche pédagogique est restée empirique, leur formation initiale est restée au niveau des savoirs pratiques excluant les savoirs théoriques… Tous ces obstacles les ont empêchés de progresser au niveau des méthodes utilisées dans les formations.   

Au lieu d’adapter les formations aux besoins des stagiaires, nous remarquons que certains PR, proposent aux formés ce qu’eux savent faire d’où la nécessité de renforcer l’analyse des besoins.

La formation des PR anglophones reste incomplète tant qu’ils ne se sont pas familiarisés avec les méthodes actives utilisées par leurs pairs francophones.

Des pistes nouvelles pour la formation des PR et des RCR

1- Pour les RCR

Les RCR sont des acteurs très investis dans le dispositif de formation continue, ils mobilisent toutes leurs compétences managériale, d’évaluation et d’animation. Il est nécessaire de leur proposer des formations adaptées à leurs rôles. Il se trouve que le rôle d’accompagnateur qui leur est assigné et la posture qu’il mérite devrait être renforcé par un dispositif qui favoriserait leur fonction et qui leur permettrait d’utiliser des outils adaptés à l’analyse de pratiques. Il leur faut une identification de leur rôle et de leur responsabilité. Quelles sont les limites de leurs interventions surtout au niveau des dossiers d’accompagnement préparés par les PR ?

 

2- Pour les PR

              Au-delà de la question de la formation à l’ingénierie de la formation, il est important de faire travailler les PR sur des questions disciplinaires de fond. En effet, certaines formations promues lors des différents séminaires, notre connaissance des contenus des curricula, nos observations dans les écoles et certains échos qui nous parviennent nous permettent de réaliser qu’il y a encore des lacunes scientifiques au niveau de toutes les disciplines.

  • Des études et des analyses de la situation du français comme langue véhiculant les savoirs scientifiques et mathématiques montrent les faibles compétences linguistiques des enseignants qui utilisent le français comme langue d’enseignement. La maîtrise du français s’avère également problématique pour les enseignants du français et les enseignants dans le préscolaire où les démarches, méthodes et activités méritent d’être fortement renouvelées.
  • Un approfondissent didactique s’avère nécessaire en direction des formateurs du français. De même que l’approfondissement de la réflexion concernant l’analyse des pratiques d’enseignement du français dans les classes leur serait particulièrement utile.
  • L’étude, dans les classes, des difficultés que peuvent rencontrer les « élèves en difficultés d’apprentissage », surtout les dyslexiques, mérite d’initier les formateurs des langues, entre autres, aux méthodes de remédiation.
  • Un dispositif de soutien scolaire doit être mis en place par les formateurs de toutes les disciplines en vue de former les enseignants aux méthodes de soutien scolaire. Ce dispositif doit intégrer les formateurs spécialistes vu leurs compétences en la matière.
  • Une formation en direction des formateurs de chaque discipline devrait prendre en considération la consolidation des compétences de base qui permettent aux élèves de passer d’un cycle à un autre.
  • Un suivi des formateurs disciplinaires s’avère d’une grande nécessité, soit au niveau de la gestion et de  l’animation, soit encore au niveau des gestes et des savoirs professionnels (formateurs d’adultes).

 

3 - Pour les PRS

Les personnes ressources spécialisées ont été la dernière promotion recrutée pour intégrer le dispositif de FC. Elles ont suivi trois semaines de formation pendant l’université d’été 2006 et un séminaire en mai 2007.

Les objectifs de leur formation ont été:

  1. L’acquisition et le renforcement des connaissances et des compétences opérationnelles relatives aux situations de difficulté et de handicap.
  2. L’identification de gestes et de postures professionnels à partir du retour réflexif sur les dispositifs de formation proposés par les formateurs au cours de la formation.
  3. Les problématiques de l’ingénierie de formation.

L’engagement des PRS était total. L’investissement des connaissances et des compétences acquises tout au long de la formation, la qualité de leurs réflexions, leur capacité à se décentrer pour verbaliser les processus de pensée et de conduite des analyses sur les contenus leur ont permis d’élaborer des outils opérationnels dans les domaines de difficulté et de handicap. Les bilans informels, individuels ou généraux ont révélé une satisfaction quant aux contenus de l’action de formation et aux modalités de sa mise en œuvre.

Les stagiaires ont exprimé l’impression de vivre une transformation professionnelle, certes non encore aboutie, mais déjà avancée.

Le bilan positif des formateurs français sur l’émergence d’une posture de formateur ouvert au travail d’équipe nous laisse satisfaits, mais ne nous rassure pas sur leur compétence à accompagner le transfert de leurs connaissances de formateur en situation réelle, leur représentation sur l’apprentissage en général et sur leur rôle de formateur dans le contexte libanais. Tout ceci, ajouté à l’instabilité de certaines connaissances conjoncturelles, devrait faire l’objet d’actions de formation.

 

Améliorer la qualité de l’enseignement était notre objectif au départ. Avons-nous réussi à former les formateurs à la démarche qualité ?

Le concept de qualité étant un concept complexe, qui nécessite une approche systémique qui implique de prendre en considération toutes les composantes de la personne formée et de l’environnement :

- Avous nous réussi, avec les moyens mis à notre disposition par l’Agence Française de Développement (AFD) et par le CIEP à mettre en route un processus d’amélioration de la performance des enseignants ?

- Avous nous réussi à donner aux formateurs les moyens de « dépasser le modèle empirique où l’on enseigne ce que l’on sait comme on le sait, en se fiant à l’illusion de la transparence du discours bien formulé » (M. Lagrand 1990).

- Avec la démarche des méthodes actives du socioconstructivisme et du cognitivisme, a-t-on pu au moins déclencher le processus de changement envisagé à travers les formations qui se mettent en route pour les enseignants ?

Toutes ces questions resteront sans réponses si on ne prend pas certaines mesures pour consolider les prérequis des formations.

 

  1. Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies? Quelles compétences? Léopold Paquay, Marguerite Atlet, Evelyne Charlier, Philippe Perrenoud. De Boeck, 3ème édition 2003.
  2. La formation professionnelle des enseignants. Analyse des pratiques et situations pédagogiques. Marguerite Atlet. Presses universitaires de France, 1ère édition 1994.
  3. Organiser des formations. André de Peretti. Hachette.
  4. Guide du formateur. Jean-Marie de Ketele, Maurice Chastrette, Danièle Cros, Pierre Mettelin, Jacques Thomas. De Boeck. PED, 2ème édition 2003.
  5. Faire l’école, faire la classe. Philippe Merieu. ESF, Paris 2004.
  6. Formateur d’adultes. Se professionnaliser. Exercer au quotiden. Jean-Paul Martin, Emile Savary. CAFOC de Nantes. Chronique sociale, 4ème édition 2004.