La formation continue entre le recensement des besoins et la conception des stages
La formation continue
entre le
recensement des besoins
et la conception des stages
Au Liban, la formation des enseignants fait l’objet d’une attention particulière parce qu’elle est la clef d’un système qui se complexifie avec les exigences d’un contexte qui évolue vite et rend de plus en plus nécessaire une préparation à la nouvelle « économie du savoir ».
C’est dans cette optique que le Bureau de formation continue travaille depuis sa création. Son objectif étant d’assurer cette formation professionnelle continue aux enseignants qui ont en responsabilité les nouveaux enjeux de l’école et qui, s’ils ont reçu et assimilé les formations adaptées aux nouvelles exigences de la société actuelle, constituent à l’évidence une garantie de la réussite des systèmes éducatifs
Selon Ph. Perrenoud(1), à propos de lidée que « si la société change, l’école ne peut qu’évoluer avec elle, anticiper, voire inspirer des transformations culturelles; c’est oublier que le système éducatif bénéficie d’une autonomie relative et que la forme scolaire est en partie construite pour protéger maîtres et élèves de la fureur du monde. » Sur ce, et dans le cadre de son plan d’actions, le Bureau de formation continue adopta comme priorité l’explicitation des compétences requises d’un enseignant afin qu’il puisse exercer un métier qui se professionnalise de plus en plus. Les 4 axes suivants furent prioritaires pour la conception des stages de formation:
- la maîtrise des savoirs enseignés;
- la connaissance des apprenants;
- la connaissance du système éducatif, de ses options et de son contexte;
- le choix de pédagogies adaptées aux situations éducationnelles évolutives à vivre, notamment celles liées au socioconstructivisme et à la télécollaboration.
Les formations, à partir du plan d’actions, doivent effectivement « permettre à l’enseignant de renouveler, de développer ses compétences disciplinaires spécifiques et de mieux exercer son métier d’enseignant dans sa classe face à des élèves, dans son école dans le cadre d’une équipe et dans un système éducatif porteur de valeurs.
Dans ce cadre – là, le rôle du formateur ne se limite pas à la préparation des stages de formation, mais s’inscrit plutôt dans une démarche d’évaluation très stricte en cohérence avec les finalités du Bureau de formation continue. Il devient désormais responsable de plusieursmissions, à savoir: l’analyse des besoins des enseignants, la co-élaboration des cahiers des charges, la mise en place d’un dispositif de formation pertinent qui vise l'accompagnement de l’enseignant moderne dans l'acquisition et dans l'approfondissement des 30 compétences telles que les conçoit André de Perreti.
D'après André de Peretti, colloque de Florence, 1985, repris dans
Controverses pour l'éducation, 1992.
http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/peretti/index.htm(4)
I – REALITE DU TERRAIN
Nous sommes deux Personnes ressource au Centre de ressources de Jounieh et préparons chaque année plusieurs formations dans le cadre de notre Plaquette de Formation. Les thématiques de nos stages sont préconçues à partir des besoins présentés dans le cahier des charges régional, de nouvelles thématiques pédagogiques ou de nos propres représentations basées sur notre travail en tant que coordinatrices et formatrices dans les écoles privées où nous exerçons.
Notre expérience nous a montré qu’il existe un grand écart entre ce que nous proposons dans nos stages et les besoins réels des enseignantsstagiaires qui viennent y assister. Sur ce, d’énormes modifications s’opèrent dans le cadre des stages que nous conduisons et les thématiques proposées s’évaporent sous la pression d’un besoin direct lié à une question ponctuelle ou d’une demande d’une leçon modèle qui puisse plaire à l’inspecteur qui visite les écoles régulièrement. Et toutes les préparations pointilleuses qui ont eu lieu pendant des semaines de travail finissent en queue de poisson!!! S’ajoute à ceci l’arrivée d’enseignants-stagiaires parachutés dans nos stages, soit parce que le directeur les a obligés à venir y assister, soit parce qu’ils ont à sortir du cadre de l’école ayant trop d’heures d’enseignement. Aussi nous trouvons-nous fréquemment face à des groupes-cibles démotivés, n’ayant eu aucune sensibilisation préalable. A signaler aussi l’absence, dans la plupart des régions, de la culture de formation, concept quifut une obligation dans les dernières années pour introduire les nouveaux livres, soi-disant les nouveaux programmes.
Comment remédier à cette situation, recenserles besoins des enseignants des écoles reliées à notre Centre de ressources en particulier, les sensibiliser à cette culture de formation et promouvoir la formation continue auprès des enseignants de l’école publique en général?
II – DECISION PRISE
Proposer une visite du terrain pour interviewer les enseignants de Français et de Sciences (nos champs d’expertise), recenser les besoins et sensibiliser directeurs et enseignants à l’importance des stages de formation que propose le Bureau de Formation continue rattaché au CRDP. D’autant plus que les stages ont été retardés à cause des événements de juillet 2006, occasion de pouvoir remodeler nos stages et d’avoir un nombre plus élevé de stagiaires et ce, pour le profit de l’élève libanais qui va en être le bénéficiairecible.
III – OBJECTIFS GENERAUX
1. Découvrir le terrain réel où travaillent les stagiaires.
2. Adapter les formations aux besoins réels des enseignants.
3. Recenser les besoins notionnels, didactiques et méthodologiques chez les enseignants.
4. Proposer une stratégie de remédiation.
5. Identifier la place de la coordination au sein des établissements.
6. Identifier la présence de clubs scolaires au sein de l’établissement.
IV - HYPOTHESES DE MISE EN OEUVRE
1. Mettre en place des pistes de réflexion qui vont nous permettre d’explorer les besoins des enseignants et leur faire découvrir leurs propres besoins.
2. Travailler en équipe et visiter les établissements.
3. Mettre au point une culture commune qui ouvre à la collaboration avec les chefs d’établissements.
V- METHODES D’ELABORATION
- Analyser les besoins des différentes écoles.
- Effectuer des visites dans les établissements concernés afin de pouvoir tenir compte de la réalité scolaire quotidienne et en vue d’une éventuelle évaluation diagnostique.
- Elaborer un programme pour une formation échelonnée sur 2 années et touchant tous les domaines, basée sur les besoins et convergeant vers les objectifs généraux.
VI - AXES A EXPLORER
Afin d’explorer les différents axes qui vont orienter le choix des stages de formation, nous nous sommes basés sur les «Dix domaines de compétences reconnues comme étant prioritaires dans la formation continue des enseignantes et des enseignants», élaborés par le Service du perfectionnement à Genève en 1996.
Compétences |
Compétences plus spécifiques à travailler |
1. Organiser et animer des situations |
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2. Gérer la progression des apprentissages |
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3. Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation |
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4. Impliquer les élèves dans leur apprentissage et leur travail |
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5. Travailler en équipe |
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6. Participer à la gestion de l’école |
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7. Informer et impliquer les parents |
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8. Se servir des |
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9. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession |
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10. Gérer sa propre formation continue |
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Source : Classeur Formation continue. Programme des cours 1996-97, Genève, Enseignement primaire, Service du perfectionnement, 1996. |
Axes d’exploration |
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Axe notionnel |
Le contenu |
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Le support pédagogique disponible |
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Axe didactique |
Identification des compétences requises |
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Planification du travail |
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Démarche suivie |
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Stratégie d’évaluation |
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Maîtrise de la langue d’enseignement |
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Axe pédagogique |
Coordination (Présence, modalités, efficacité) |
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Stratégies d’apprentissage (outils) |
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Difficultés spécifiques à l’apprentissage |
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Autres… |
Clubs scolaires (Présence, utilité…)
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VI – RESULTATS DES INTERVIEWS:
- Avec les enseignants de Français (Cycles I, II et III) :
Axes d’exploration |
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Axe notionnel |
Le contenu
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Grand problème au niveau des contenus notamment tout ce qui concerne les typologies des textes. |
Le support pédagogique disponible |
Hormis le livre, pas de support pédagogique. Aucune créativité pour en créer. |
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Axe didactique |
Identification des compétences requises |
Aucune notion au niveau des compétences requises au niveau des classes qu’elles enseignent. |
Planification du travail |
La planification se fait selon la suite des chapitres dans le livre. Pas de notion concernant la séquence pédagogique. |
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Démarche suivie |
La démarche est très directive, elle bascule entre la méthode magistrale et le jeu de Questions/ réponses. Certains demandent de faire des recherches aux enfants sans aucune initiation. L’élève n’a pas souvent de place dans le fameux « Apprendre à Apprendre »que préconisent les NPI. |
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Stratégie d’évaluation |
La notion d’évaluation est quasiment inexistante. Les enseignants sombrent dans une logique de contrôle et notent les élèves après chaque Test, parachuté l’on ne sait quand, selon la volonté de l’enseignant. |
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Maîtrise de la langue d’enseignement |
Les plus jeunes maitrisent la langue, les moins jeunes pas du tout. |
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Axe pédagogique |
Coordination (Présence, modalités, efficacité) |
Certains établissements appliquent le système de coordination. En général, c’est l’enseignante qui maitrise plus le français mais qui n’a aucune formation à ce niveau. Son rôle se limite à répondre aux questions des enseignants au cas où elles ont besoin. |
Stratégies d’apprentissage (outils) |
Pas de construction d’outils pédagogique avec l’aide des élèves. Rares sont celles qui affiche quelques notions en fin de chapitre. |
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Difficultés spécifiques à l’apprentissage |
Les difficultés d’apprentissage sont énormes, les élèves, selon les enseignants, ne maitrisent pas l’oral, ne savent pas lire dans les petites classes, ne comprennent pas ce qu’ils lisent dans les grandes classes. A ceci s’ajoute le problème de la dictée que tout le monde ne réussit pas et le plus grand problème est celui de la Production d’écrits. En effet, le problème de l’enseignement-apprentissage de la langue française est énorme ! |
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Autres… |
Clubs scolaires (Présence, utilité…) |
Aucune idée des clubs scolaires. Il fallait expliquer aux directeurs le sens. C’est quasi-inapplicable dans leurs représentations ! |
VII– PROPOSITIONS POUR D’EVENTUELLES REMÉDIATIONS
- Mettre en place un système de coordination solide: former les personnes, les libérer pour ce travail, leur demander des tâches précises, des rapports continus et leur déléguer la responsabilité de créer des projets de départements pour améliorer les rendements.
- Outiller les écoles de matériel pédagogique en exigeant de chaque enseignant de construire un outil par année au moins (et en l’encourageant à bénéficier de la revue pédagogique du CRDP et de l’exposition qu’organise le CRDP chaque année pour exposer des outils créés par des enseignants).
- Intervention éventuelle d’experts pour aider dans le cadre de l’organisation et de la coordination (Personnes ressource, Formateurs externes…).
- Evaluation permanente et bilans de la part de chaque chef d’établissement.
VIII – PROPOSITIONS POUR D’EVENTUELS STAGES DE FORMATION
==> Pour la Langue française:
- Améliorer l’oral pour un meilleur passage à l’écrit.
- Travailler par séquence pédagogique.
- L’orthographe et la dictée, ça s’apprend!
- Des outils pédagogiques pour un meilleur rendement.
- Méthodologie de la lecture.
- Comment réussir sa production écrite?
- Stage de perfectionnement linguistique à tous les niveaux et à long terme.
==> Pour les Sciences:
- Planifier par séquence pour plus de pertinence.
- Les différents types d’évaluation.
- Le laboratoire, outil d’apprentissage et de découverte !
- Au niveau du contenu: hérédité, système immunitaire, géologie.
- La démarche scientifique.
- Construire des fiches-outils pour un apprentissage durable.
Les ambitions énoncées par le Ministère de l’Education ne pourront être réalisées qu’avec un réel et fort partenariat entre tous les acteurs concernés par la formation des personnels. Il est temps que tous les formateurs des Centres de ressources prennent, dès à présent, les mesures susceptibles de favoriser cette nouvelle dynamique dans le cadre d’une recherche-action basée sur les besoins du public cible.
Références:
1- Philippe Perrenoud, Développer la pratique réflexive dans le métier d'enseignant. Professionnalisation et raison pédagogique, Paris, ESF, 2001.
2- Philippe Merrieu, Enseigner, scénario pour un métier nouveau, ESF, Paris, 1995.
3- http://calenda.revues.org/
4-http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/peretti/10competences.htm
5-http://www.unige.ch/fapse/sse/teachers/perrenoud/php_main/php_ 1999/1999_26.rtf