Comment transformer le savoir scientifique en action en faveur du développement durable?
Introduction
| Le développement durable est issu de l’idée que tout ne peut pas continuer comme avant, qu’il faut remédier aux insuffisances d’un modèle de développement axé sur la seule croissance économique. La croissance économique telle qu’elle s’exerce aujourd’hui n’est pas soutenable: elle détruit l’environnement et creuse les inégalités de niveau de vie entre les hommes. L’économie doit être guidée par une éthique, par un objectif de bien-être et de pérennité de l’homme et de l’environnement. Les crises actuelles, financière, socio-économique et environnementale amènent à poser clairement la question du développement durable. La crise du marché financier aux Etats- Unis, et récemment en Grèce, est un exemple typique d'une situation où le développement durable (DD) fait défaut. "La science est depuis longtemps perçue comme un moteur de changement. Néanmoins, l’ampleur et la complexité des difficultés rencontrées à l’heure actuelle, de la misère et des inégalités qui se creusent jusqu'à la dégradation de l’environnement et la vulnérabilité croissante à l’égard du manque de ressources et des catastrophes naturelles, font de la mobilisation scientifique une nécessité plus importante que jamais." La première des actions en faveur du développement durable est de comprendre ces problèmes pour les situer à leur place, entre résistance et résilience. La recherche scientifique a joué et joue encore un rôle essentiel dans la prise de conscience des enjeux. En anticipant les problèmes, clarifiant les enjeux et proposant des solutions, elle fournit une matière essentielle et des éclairages irremplaçables aux décisions des acteurs sociaux et des politiques. Sachant que l’intention d’agir est le point de départ de l’action, transmettre le savoir scientifique dans une perspective de développement durable semble être le défi de l’éducation du 21ème siècle. Ce dossier essaie d’analyser le processus par lequel les savoirs scientifiques sont plutôt réinterprétés et appropriés à l’école dans une perspective de développement durable. Dans cette optique, sa fonction est double: clarifier les termes et les variables relatifs à l’éducation en faveur du développement durable, et fournir le contexte dans lequel s'inscrit l'éducation au développement durable au Liban. |
Première partie: Clarification des termes
Le propos de cette première partie est de décrire les principaux éléments du DD, sa définition officielle, ses objectifs et ses principes.
1- L’émergence du concept de développement durable
L'idée de s'interroger sur notre mode de développement et ses conséquences à long terme n'est pas récente. Au XVIIIe siècle, certains prévoyaient que les ressources alimentaires agricoles ne pourraient plus subvenir aux besoins d'une population sans cesse plus nombreuse. Au XXe siècle, certains constatent que les croissances économiques engendrent des dégâts importants pour l'environnement. Ces constats laissaient entendre que la croissance économique et la préservation de l'environnement étaient antagonistes. Dès lors, la remise en question des modes de production et l'importance d'une réflexion basée sur le long terme ouvrent la voie à un nouveau concept: l'éco-développement. Ce concept propose une nouvelle conception du développement qui ne serait plus limité à la croissance économique mais ouvert à d'autres dimensions (économique, sociale, environnementale, culturelle et politique).
En 1972, à Stockholm en Suède, a lieu la conférence des Nations Unies sur l’Environnement humain. Pour la première fois, les questions écologiques sont placées au rang des préoccupations internationales..Mais la notion de développement durable a été proposée en 1980 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) dans un document intitulé "Stratégie mondiale de conservation". Par souci de clarification, trois points doivent être soulignés à propos de l’émergence du concept de développement durable:
- le constat majeur du caractère fini de certaines ressources;
- le constat d’une utilisation trop rapide des ressources naturelles renouvelables par rapport à leur rythme de renouvellement, ce qui est "non sustainable";
- l’idée d’un mode de développement "sustainable" proposée par des scientifiques et protecteurs de la nature.
En 1982, la conférence s'est tenue à Nairobi au Kenya. Le contexte international de l'époque et le désengagement des grandes nations ont conduit ce sommet à l'échec (il n'est pas compté au rang des Sommets de la Terre officiels). En revanche, l'ONU crée une commission pour préparer un rapport sur l'écodéveloppement. En 1987, la commission rend son rapport, "Notre avenir à tous" ou Rapport Brundtland, rédigé par sa présidente, la Première Ministre norvégienne, Groharlem Brundtland. Ce rapport réaffirme l'écodéveloppement. La commission reprend le concept en l’élargissant, au delà de l’environnement, aux dimensions économique et sociale. "Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs".
Cette définition indique un but et une vision d'avenir de la société. Ce qui aboutit au concept de DD, officialisé par le "Sommet de la Terre" à Rio de Janeiro au Brésil.
En 1992, la "Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement" précise la notion de développement durable par le biais de 27 principes tels que "Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature" (principe 1), et "Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément" (principe 4).
Au cours de cette conférence a été adopté un programme d'action pour le XXIe siècle: l'Agenda 21. Il prend en compte les problématiques liées à la santé, au logement, à la pollution de l’air, à la gestion des mers, des forêts et des montagnes, à la désertification, à la gestion des ressources en eau et de l’assainissement, à la gestion de l’agriculture, à la gestion des déchets.
En 2002, dans la lignée de Rio a eu lieu à Johannesbourg en Afrique du Sud le Sommet mondial sur le développement durable, organisé sous l'égide des Nations Unies. L'objectif visé en ce début de siècle était d'inciter les États à réitérer leur engagement politique en faveur du développement durable ainsi qu'à favoriser le renforcement d'un partenariat entre le Nord et le Sud.
Le terme "développement", issu d'une conception économique qui se réfère à la croissance du produit national brut (PNB), est redéfini comme un processus conduisant à l'amélioration du bien-être des humains. Le PNB est aussi important que l'éducation, la santé, l'intégrité naturelle, un environnement sûr, l'équité entre tous les habitants de la terre…
En ce qui concerne le terme "durable", traduit de l'anglais "sustainable", dans la définition du concept, on sous-entend deux notions, une notion de temps et une notion d'espace.
2- Du concept à son application.
L’Agenda 21, par référence au XXIe siècle, est constitué de recommandations pour guider les pays dans leur entrée vers le DD. On peut citer quelques champs d'action proposés:
- dans le domaine environnemental: biodiversité, eau (gestion, disponibilité, qualité), ressources naturelles renouvelables, épuisement des ressources fossiles, déchets, réchauffement climatique, pollutions, désertification, déforestation, érosion…
- dans le domaine économique: agriculture, sécurité alimentaire, commerce équitable, politique des transports….
- dans le domaine social: santé (accès aux médicaments, politiques sanitaires), alimentation (sécurité alimentaire), lutte contre la pauvreté, droit au travail, accès à l'éducation.
Analyser un des enjeux mondiaux sous l'angle du DD, c'est prendre en compte trois perspectives: sociale, environnementale et économique s'inscrivant dans le cadre des droits humains et des bases de la vie. C'est également considérer l'axe spatial (par exemple les conséquences de nos comportements et de nos choix ici et ailleurs) et l'axe temporel (en particulier les conséquences de nos actes pour les générations futures).
En s’appuyant sur le rapport Brundt Land et d’après les recommandations de l’Agenda 21, le DD vise ainsi trois grandes catégories d'objectifs:
- Améliorer l'équité sociale (générations actuelles: solidarité horizontale; générations futures: solidarité verticale).
- Maintenir l'intégrité environnementale.
- Améliorer l'efficacité économique, c'est favoriser une gestion optimale des ressources humaines
Pour réaliser ces objectifs, quatre principes transcendent le concept de DD:
Principe de solidarité
Principe de responsabilité
Principe de participation
Principe de précaution.
3- Les origines de l'Education au Développement Durable (EDD)
Dans la section IV de l'Agenda 21, intitulée "Moyens d'exécution", le chapitre 36 est consacré à la promotion de l'éducation, de la sensibilisation du public et de la formation. L'éducation y est présentée comme un des principaux moyens d'accès au DD. Il faut réorienter l'éducation car elle est essentielle pour susciter une conscience des questions écologiques et éthiques, ainsi que des valeurs et des attitudes, des compétences et des comportements compatibles avec le DD, et pour assurer une participation effective du public aux prises de décisions. Donc l’éducation aura la responsabilité de transmettre et transformer le savoir en action en faveur du DD.
Toute action éducative vise des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. L'EDD développe des capacités transversales: s'orienter vers l'avenir, changer de perspective, repérer les liens, agir et évaluer ses actions, participer. L'EDD n'est ni une discipline, ni une idéologie, mais un modèle de formation qui nécessite "la complémentarité entre les éducations formelle (système éducatif), informelle (apport des familles, des médias, des expériences personnelles…) et non formelle (organisations de jeunesse…)" (Agenda 21-article 36).
Eduquer en vue du DD est nécessaire pour modifier les attitudes de telle sorte que les populations aient la capacité d'évaluer les problèmes du DD et de s'y attaquer. Pour être efficace, l’éducation au développement durable doit être intégrée dans toutes les disciplines. Par conséquent, on ne doit pas se borner à la définir comme une discipline supplémentaire.
Il existe une multitude de définitions de ce que devrait être l'EDD. Pour notre part nous adoptons la définition suivante:
L'EDD est un processus permanent d'apprentissage qui vise à former des citoyennes et des citoyens ayant acquis les savoirs, savoir-faire et savoir-vivre leur permettant de comprendre le monde, analyser les enjeux, prendre position, participer et agir en faveur d’un avenir humain socialement équitable, économiquement viable et écologiquement durable ici et ailleurs, maintenant et pour les générations futures, compte tenu des valeurs (respect, liberté, esprit critique….) et des principes de responsabilité et de solidarité.
4- A propos de la Décennie des Nations Unies pour l’Éducation au Développement Durable (DEDD)
En décembre 2002, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé une "Décennie des Nations Unies pour l’Éducation au service de Développement Durable" (DEDD) de 2005 à 2014, et a chargé l’UNESCO de diriger cette Décennie.
Le but global de la DEDD est d'intégrer les principes, les valeurs et les pratiques du DD dans tous les aspects de l'éducation et de l'apprentissage. Cet effort éducatif encouragera les changements de comportement afin de créer un avenir plus viable du point de vue de l'intégrité de l'environnement, de la viabilité économique et d'une société juste pour les générations présentes et futures. Elle se propose de réaliser les objectifs suivants:
- la clarification du concept d'enseignement pour le DD;
- l'intégration de l’ EDD;
- la réorientation des programmes.
Dans le cadre de cette Décennie sont promus des principes pédagogiques tels que:
- "un apprentissage interdisciplinaire et holistique, dans lequel l'EDD n'est pas une matière distincte;
- un apprentissage fondé sur les valeurs;
- le développement de la pensée critique, plutôt que la mémorisation;
- la multiplicité des méthodes;
- la participation à la prise de décision."
Afin d'offrir une éducation de qualité tout en encourageant le développement humain durable, l'EDD s'appuie sur cinq piliers d'apprentissage:
- apprendre à savoir: des connaissances, des valeurs et des compétences pour encourager à respecter et à rechercher le savoir et la sagesse (apprendre à apprendre, acquérir le goût d'apprendre tout au long de la vie, développer son esprit critique…);
- apprendre à être: des connaissances, des valeurs et des compétences qui contribuent au bien-être des individus (favoriser la découverte et l'expérience, être en mesure d'agir avec plus d'autonomie);
- apprendre à vivre ensemble: des connaissances, des valeurs et des compétences en faveur de la paix et de la coopération (mieux comprendre les autres et leurs cultures; réagir de manière constructive aux disparités économiques qui s'observent partout dans le monde…);
- apprendre à faire: des connaissances, des valeurs et des compétences pour une participation active (comprendre les enjeux du développement durable à l'échelle mondiale et locale et contribuer à y répondre; acquérir une formation professionnelle; appliquer ses connaissances dans la vie quotidienne);
- apprendre à se transformer soi-même ainsi que la société: des connaissances, des valeurs et des compétences qui contribuent au changement de nos comportements pour un Agir Responsable (promouvoir des comportements et des activités qui réduisent notre empreinte écologique sur le monde…).
5-Les variables de base de l’AGIR RESPONSABLE
La problématique de départ dépend de plusieurs variables, celles relatives à la recherche scientifique, celles relatives au contexte socioéconomiques
et celles préalables à l’action ou plutôt associées à l’action responsable en faveur du DD.
Le tableau suivant représente les variables qui influent sur l’enseignement des savoirs scientifiques au XXIe siècle.
VARIABLES MAJEURES ET MINEURES ASSOCIEES AU COMPORTEMENT RESPONSABLE
DU CITOYEN À L'EGARD DE L'ENVIRONNEMENT selon HUNGERFORD et VOLK (1990)
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VARIABLES DE BASE → |
VARIABLES D'IMPLICATION → |
VARIABLES DE POUVOIR-AGIR →
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COMPORTEMENT CIVIQUE RESPONSABLE
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MAJEURES |
La sensibilité environnementale |
La connaissance approfondie de(s) questions environnementales
Un intérêt personnel dans une question environnementale |
La connaissance de(s) stratégies d'action et l'habileté à les mettre en œuvre.
Le sentiment de contrôle des événements et du comportement
L'intention d'agir |
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MINEURES
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La connaissance des concepts et principe écologiques de base
L'androgynie
Les attitudes envers la pollution, la technologie et l'économie |
La connaissance des conséquences du comportement
L'engagement personnel dans l'action relative à la résolution d'un (ou de) problème(s) environnemental (aux) |
La connaissance approfondie de(s) questions environnementales |
Deuxième partie: Le contexte dans lequel s’inscrit l’introduction de l'EDD au Liban.
Il est pleinement justifié, à mi-chemin de la décennie des Nations Unies pour l’EDD, de connaître le portrait de l’EDD au Liban.
L'EDD fait son entrée à l'école au Liban en 2008. Mais, d’après les dossiers du CRDP et le curriculum, on peut démontrer qu’on ne part pas de zéro. Les enseignants n'ont pas attendu l'apparition du concept du DD pour "conscientiser leurs élèves à la recherche d'une société prenant en considération tant les aspects environnementaux, sociaux, qu'économiques". Mais compte tenu de l'âge des élèves de l'école primaire, la priorité était accordée à l'éducation à la composante environnementale.
Depuis les années 80, on parlait de l'éducation relative à l'environnement. Actuellement l'éducation relative à l'environnement doit s'intégrer à l'EDD. En réalité, l'objectif est d'intégrer tous les thèmes liés à la durabilité que l'on retrouve dans l'éducation globale ou l'éducation à la santé. Le concept de DD est présent depuis1997 dans le programme des SVT des cycles 3 et 4.
1-L'introduction de l'EDD un grand défi
Par référence aux recommandations de la DEDD, le CRDP entreprend, en octobre 2008, une démarche d’intégration de l’EDD dans les pratiques scolaires.
L'objectif de cette démarche est d'aboutir à l’adoption d’un agir responsable en faveur du DD, en s'appuyant sur les enseignements disciplinaires (géo, sciences, maths, langues) et sur le domaine transversal de l'éducation civique.
L’éducation au développement durable n’est pas quelque chose de simple ou d’évident à mettre en place. En plus des obstacles propres à l'introduction de nouvelles matières à l'école (formation des enseignants, construction d'outils et de méthodes pédagogiques, etc.), l'EDD bouscule beaucoup d’habitudes de fonctionnement: modification des temps scolaires, réticences devant la nouveauté, absence de polyvalence, isolement de l’institution scolaire par rapport à la vie sociale et lacunes de formation. En effet, l'interdisciplinarité qui caractérise les approches pédagogiques liées à l'EDD, exige un décloisonnement des disciplines scolaires pour donner du sens aux apprentissages, c’est-à-dire, orienter les savoirs vers les actions en faveur du DD. Au niveau primaire, l'interdisciplinarité est facile à réaliser puisqu'un seul enseignant donne la quasi-totalité des matières enseignées. Au niveau du cycle 3 et du secondaire, cette interdisciplinarité demande une réelle coordination entre tous les enseignants, le directeur et le personnel non-enseignant.
Comme thématique transversale, il est important que l’EDD trouve une entrée dans nos programmes scolaires, et l'entrée ou les entrées possibles sont nombreuses dans les disciplines scientifiques surtout que l'EDD peut s'accommoder de l'école d'aujourd'hui: "employer des méthodes classiques et non classiques" (Agenda 21). C’est dans ce contexte, qu’on peut situer l’expérience du CRDP avec les Kits de l'EDD en 2008.
Comment introduire l’EDD dans nos programmes scolaires avec le découpage habituel de l’enseignement en des disciplines fragmentées avec une éducation trop abstraite et trop parcellisée?
- Sur quelles parties du programme s’appuyer?
- Quelles problématiques aborder?
- Quels contenus et quelles notions mobiliser?
- Quelles pistes de travail envisager?
La démarche du CRDP s’inscrit au coeur de ce questionnement Le choix d’une approche pratique est un défi: il faut "faire avec" et démarrer à travers des thèmes choisis dans le milieu quotidien des élèves ou à partir de quelques activités repérées dans le Livre National (pour le premier kit) pour ne pas trop bousculer les enseignants.
2-Pourquoi l'EDD à l'école?
Les enseignants se demandent: "N'avons-nous pas assez d'éducation avec les matières actuelles?"
L'introduction de l'EDD à l'école répond à trois problématiques:
- Notre situation environnementale rend cette préoccupation quasiment centrale dans la recherche scientifique. L'EDD se doit de transmettre les savoirs scientifiques de cette thématique dans les écoles.
- Le cloisonnement disciplinaire et l'isolement de l'école par rapport aux réalités. L'EDD est un outil ou une façon de transformer les manières d'apprendre et d’enseigner.
- Le manque d'éducation des personnes et des sociétés par rapport à leur milieu de vie rend l'être humain étranger à la nature, car il est dominé par un univers technologique qu'il comprend peu et utilise mal. L’éducation a pour rôle d'apprendre à vivre dans une société et dans un environnement.
En termes de justification, il faut souligner que:
- les savoirs scolaires, à l’exemple des savoirs scientifiques ,se modifient au fil du temps; le concept du DD et l'informatique feront partie du bagage culturel au XXIe siècle;
- l'EDD aide les sociétés à choisir leurs priorités: eau; énergie; changement climatique, désastres et risques naturels; problèmes de santé;
- le rôle de la science est de présenter des solutions d’autant plus qu’elle est souvent tenue responsable de la dégradation de la vie sur terre;
- transmettre les savoirs scientifiques en tenant compte des 3 piliers du DD selon la pédagogie de résolution de problèmes, permet de développer des compétences de prise de décision et d’action en faveur de son entourage;
- l'EDD introduit une nouvelle manière "de penser le monde comme un système composé d'une multitude d'éléments en interaction". L'enfant a sa place à l'intérieur de ce système et peut y apporter sa contribution. L'approche systémique, qui est une méthode apportée par le savoir scientifique, permettrait de comprendre comment le monde fonctionne.
3-Comment enseigner l'EDD à l'école?
Il n'existe pas UNE pédagogie du DD. Il n'y a pas de voie prédéterminée. Malgré la diversité des approches, quelques tendances peuvent être dégagées. De manière générale, l'abord de la thématique transversale du DD s'organise dans une approche interdisciplinaire, holistique, associée à une démarche de résolution de problèmes. L’approche holistique tient compte de toutes les dimensions de la personne:cognitive, affective, morale, sociale, comportementale, etc… La démarche de résolution de problèmes permet une mise en situation qui fera émerger les préconceptions. Les élèves s'impliquent dans des situations réelles ou simulées où ils se posent des questions, réalisent des expériences, participent à des débats et prennent des décisions collectives. Les approches les plus utilisées au Liban sont deux: la pédagogie par projets et l’approche par disciplines.
- La pédagogie par projets, semble être celle qui est la plus appropriée aux objectifs de l'EDD. Il y a une mise en situation concrète, la construction des savoirs par la résolution de problèmes, la gestion de la complexité, des incertitudes et du temps qui sous-entend la transversalité et l'interdisciplinarité. C'est une démarche qui peut être adoptée au sein d'une classe, de plusieurs classes ou encore au sein de toute l'école.
- Dans l'approche par disciplines, il s'agit généralement de thématiques ponctuelles qui sont en réalité des portes d’entrée pour l’EDD qui représente un objectif transdisciplinaire pour des disciplines inégalement impliquées. Le schéma suivant permet de distinguer trois niveaux d’implication.
http://Source: http://www.mappemonde
Un premier niveau concerne six disciplines qui participent effectivement à la prise en charge de l’EDD. À l’exception des sciences physiques, toutes font référence à, au moins, deux des piliers du développement durable; les sciences de la vie et de la Terre (SVT) croisent entrées environnementale; et sociale, la technologie met en relation approches économique et environnementale, les sciences économiques et sociales associent les domaines économique et social. La géographie est seule à croiser les trois volets. L’éducation civique prend en charge la dimension éducative.
Un deuxième niveau concerne des disciplines instrumentalisées dans les projets interdisciplinaires où elles apportent des outils d’analyse, d’expression et de compréhension. Ainsi, les mathématiques renforcent le pôle scientifique et la langue d’apprentissage contribue à la maîtrise de la langue.
Un troisième niveau correspond à des disciplines accordant une place très limitée à l’EDD. C’est le cas de l’histoire qui pourrait pourtant participer à l’évolution des crises environnementales et la notion de durabilité. Les disciplines artistiques, les langues, l’éducation physique et sportive pourraient contribuer à l’EDD, mais ne sont encore que peu impliquées.
http://Source: http://www.mappemonde
"Loin d’une approche transversale qui mobiliserait toutes les disciplines, l’EDD ne s’appuie que sur certaines d’entre elles. De plus, chacune n’est pas en relation directe avec l’ensemble des autres mais l’est avec un nombre limité d’entre elles…" (Vergnolle Mainar, 2008a). Les thèmes qui présentent des potentialités d’interdisciplinarité se trouvent à l’intersection de deux disciplines, par exemple: la surface de la terre, l’écosystème, les risques et les catastrophes…. Ces concepts communs à deux disciplines au moins (SVT et géographie), appelés concepts nomades, peuvent être à la base d’une approche interdisciplinaire.
Un exemple simple de la contribution des disciplines est l’activité intitulée "L’eau, une ressource précieuse" du kit 3-cycle3, où les savoirs en chimie et en mathématiques s’enrichissent mutuellement pour permettre aux élèves de comprendre, calculer, analyser le problème majeur de l’eau-ressource et finalement entreprendre une action. L’activité aurait pu impliquer d’autres disciplines instrumentalisées et dominantes.
A propos de l’approche pratique adoptée par le CRDP, la stratégie pluridisciplinaire paraît actuellement envisageable car les disciplines scientifiques contiennent actuellement des entrées possibles ou des ancrages disciplinaires pour aborder l'EDD .L’entrée environnementale est un point de convergence des enseignements scientifiques, la dimension économique étant prise en charge «par défaut» par la géographie, et la dimension sociale étant prise en charge par les langues et l’éducation civique. Citons à titre d’exemples les thèmes abordés dans les Kits: expliquer dans un cadre interdisciplinaire pourquoi et comment éviter les feux de forêt, pourquoi et comment économiser l'eau, ou l'énergie, pourquoi et comment prendre soin de sa santé…Le tableau suivant représente le plan du premier kit de démarrage: la conservation des ressources-les feux de forêts.
La problématique est lancée à partir d’une discipline dominante (l’éducation civique): le travail commencé dans un cours précis peut être complété par des activités dans d’autres disciplines conceptuelles (chimie, physique, SVT, géographie) ou instrumentalisées (langues, mathématiques).
Progression du contenu – Troisième cycle
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Situation-problème: démarches à suivre |
Activités |
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L’élève identifie les problèmes dans une situation problématique. |
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Il détermine la responsabilité aux niveaux physique et humain. |
Recours aux films, aux coupures de journaux à présenter en classe. On y verra l’armée, la défense civile et les pompiers déployer des efforts méritoires, avoir recours en urgence à un hélicoptère; (discipline: Education civique). |
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Il détermine les régions endommagées. |
Lecture d’une carte géographique; (discipline: Géographie). |
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Il détermine les dommages et les effets sur l’environnement, sur la société et sur l’économie. |
Réduction des ressources forestières; (discipline: Langue française). Familles ayant déserté leur foyer; (discipline: Langue arabe). Réduction des ressources forestières: dégâts et effets sur la santé et l’environnement; (discipline: Langue anglaise). Erosion du sol; (discipline: Sciences de la vie). Réduction des forêts et ses impacts sur le climat et la qualité de l’air; (discipline: Sciences de la vie). Dégâts matériels en chiffres, suite à la réduction des ressources forestières; (discipline: Mathématiques). |
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L’élève pose des questions et collecte les données. |
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Il identifie les sources d’information. Il analyse les informations et les interprète. |
Il analyse les causes des incendies et les hiérarchise; (disciplines: Physique, Chimie). |
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L’élève cherche des solutions alternatives. |
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Il propose diverses solutions. Il propose la meilleure solution et la justifie (Solutions de longue durée). |
Lutte contre les incendies; (discipline: Chimie). Moyens de prévention; (discipline: Chimie et Physique). Mesures de sécurité; (discipline: Chimie et Education civique). |
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L’élève prend l’initiative / propose des actions. |
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Il prépare un panneau mural. Il participe aux campagnes de reboisement et à la collecte des dons. |
Tableau d’affichage propre à chaque kit; (toutes les disciplines). |
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4- Contribution des activités à transformer les savoirs en actions favorables au DD:
L'objectif de ce paragraphe est de montrer quelle peut être la contribution des disciplines scientifiques à une éducation au DD dont le but est d'apprendre les valeurs, les comportements et les compétences requis pour l'avènement d'un avenir viable et d'une transformation bénéfique de la société.
"La science nous a apporté une meilleure connaissance du changement climatique et des systèmes permettant la vie sur terre. Elle a accumulé beaucoup de connaissances sur le VIH et le sida, le paludisme, … et autres problèmes de santé majeurs. Nous connaissons mieux les systèmes naturels, les impacts de l’activité humaine sur eux, et la façon dont la biodiversité contribue à notre bien-être. Nous savons que la pensée économique actuelle doit changer et qu’il faut éviter toute forme de production et de consommation non viable et soutenir l’émergence de pays "développés de manière durable"…. Nous devons maintenant traduire ce savoir en action." (Conférence de Bonn, avril 2009, à propos de l’EDD).
En premier lieu, pour atteindre ce but , il faut admettre que l’EDD ne se construit pas en accumulant des savoirs disciplinaires, mais en modifiant les pratiques pédagogiques. L’école ne va pas abandonner les savoirs disciplinaires scientifiques qui ont fourni, fournissent et fourniront les savoirs nécessaires à la compréhension systématique du fonctionnement de la planète. L’école va adopter une nouvelle manière de penser l’enseignement scientifique: il faut "opérer une réflexion en profondeur" sur le lien entre les apprentissages de savoirs disciplinaires scientifiques et la compréhension des enjeux de notre temps.
En deuxième lieu, il s'agit de partir d'une problématique quelle qu'elle soit (conservation des ressources, santé, pauvreté, biodiversité,…), de l'analyser, puis d'engager sa responsabilité sociale en recherchant le meilleur équilibre possible entre les contraintes économique, environnementale et sociale. Sans oublier de situer cette analyse dans une dimension spatiotemporelle. Citons à titre d’exemple l’activité intitulée "Réémergence de certaines maladies" du kit 3 –cycle3. La recherche d’équilibre entre les trois composantes du DD est évidente: socioéconomique (le cycle de la pauvreté), environnementale (maladies environnementales), dimension spatio-temporelle(la géographie de la santé, le graphe de l’influence de la vaccination).
Finalement, pour atteindre les objectifs de l’EDD, les activités dans les kits sont planifiées par référence à un modèle qui conçoit l’EDD comme processus en quatre phases non hiérarchisées, sans cesse remis en question et évalué
Les activités de sensibilisation, pour motiver, agissent au début du programme d'apprentissage sur une thématique, phase où le recours aux valeurs n'est pas exclu. La 2ème phase, les acquisitions scolaires par exemple, à travers une activité de calcul (ampoules économiques, ou débit de l'eau…) permet à l'élève de voir plusieurs concepts (intensité, puissance…). La troisième phase vise les changements de comportements; d'abord à l'école, puis à l'extérieur, à court et à long terme (ex. attitude envers la publicité, les gestes éco-citoyens…). La 4ème phase où le processus est sans cesse remis en question.
Le niveau d’implication, ou la fonction de chaque discipline dans ce modèle, peuvent passer d’une phase à l’autre, mais leur apport est bien évident (voir le plan du premier kit-cycle 3 mentionné plus haut).
- Les mathématiques aident les élèves à interpréter des graphiques en effectuant des calculs relatifs aux résultats financiers et à comprendre les chiffres petits (par exemple, centièmes, millièmes…), ce qui leur permet d'interpréter les données relatives à la pollution. En faisant des mesures, l'élève peut évaluer son environnement. (Evaluer l’espace vert dans le kit 1-cycle2).
- Les langues aident les consommateurs à analyser les messages de la publicité et à exprimer leur point de vue et développer des éléments d’argumentation; appréhender la prise de parole en public;
- Les sciences expérimentales et la technologie aident à comprendre et à décrire le monde réel (différences entre nature et milieu "construit par l'homme"); à développer la curiosité, la créativité et l'esprit critique (activités concernant la pollution de l’air ,le cycle de l’eau l’impact des activités humaines sur la nature-kit 2-cycle3).
- La géographie aide à comprendre les réalités géographiques (locales et internationales) et à acquérir des repères spatiaux indispensables à la compréhension du monde contemporain. Elle contribue avec les disciplines scientifiques à développer les concepts de base de l’EDD.
- L'éducation civique aide les élèves à s'intégrer à la collectivité et à respecter l'intégrité des personnes et les règles de sécurité.
En guise de synthèse, le tableau comparatif suivant montre comment les activités permettent d’exercer des compétences de base en EDD:
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Les activités sont conçues pour développer |
Compétences de base en EDD, notamment
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Par souci de clarification, le tableau comparatif est illustré par un inventaire des savoirs disciplinaires et des actes ou actions proposés dans les kits. Une partie de cet inventaire est représentée ci-dessous:
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Cycle 1 |
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Thème |
Les objectifs d’apprentissage |
Eco-gestes/actes/actions |
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Conservation des ressources naturelles |
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Cycle 2 |
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Thème |
Les objectifs d’apprentissage |
Eco-gestes/actes/actions |
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Conservation des ressources naturelles |
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Cycle 3
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Thème |
Les objectifs d’apprentissage |
Eco-gestes/actes/actions |
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Conservation des ressources naturelles |
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Conclusion
L’un des facteurs limitatifs de l’action en faveur du DD est le manque de "compétence pédagogique spécifique". Les agents responsables de l’éducation devraient opérer une réflexion profonde sur la problématique de départ. Si l’intention d’agir est le point de départ et si comprendre les enjeux de la société est la première des actions, utiliser le savoir et le raisonnement de la science pour trouver des solutions est la seconde action.
Le rôle de l’éducation est de sensibiliser, mobiliser le savoir scientifique au service du DD, réorienter le savoir selon l’éthique du DD, et élaborer des outils visant à développer des compétences et des comportements responsables dans des situations-problèmes, en tenant compte "d’autant de dimensions ou de variables qu’il est possible de le faire".
La démarche que le CRDP a adoptée intègre deux caractéristiques clés de l’éducation au développement durable (EDD): l’interdisciplinarité et l’utilité. Nous aurons voulu que cette démarche soit globale et holistique, mais elle est un point de départ vers d’autres démarches, toujours dans le souci de mettre le savoir scientifique à la disposition du DD.
L’approche pratique adoptée est une approche pluridisciplinaire. Notons entre autres les aspects suivants:
- les activités empruntent aux disciplines les notions de base, surtout celles communes à deux, au moins, pour développer des compétences nécessaires à toute action en faveur du DD.
- Les activités comportent certaines données provenant de la pédagogie par situations-problèmes, sans prétendre avoir réussi à la généraliser, mais elle est évidente en mathématiques et en sciences.
L’approche adoptée s’avère utile dans plusieurs domaines dont les plus importants:
- le développement des pratiques pédagogiques en faveur du DD, où la démarche a fourni des pistes de travail;
- l’élaboration du nouveau curriculum, où la démarche du CRDP a contribué à clarifier un nouveau champ de savoirs scientifiques à transformer en faveur du developpment durable ■
Références
- Agenda 21, (1992), Organisation des Nations Unies, Conférence de Rio de Janeiro.
- Chat, C. (2009), Une Recherche de Cohérence à Travers les Différents Domaines d’Enseignement, Document base sur les programmes français de 2008,La Biodiversité.
- Hopkins, C. Entretien avec le directeur de la chaire UNESCO sur l’EDD, Université De York, Canada.
- Matsuura, K. (2010),Message du Directeur Général de l’UNESCO, lors de la Journée mondiale de la science au service de la paix et du développement.
- Merieu,P. (2001),Eduquer à l’Environnement: Pourquoi? Comment? Du monde_objet_au_monde_projet.
- Sauvé, L. (1992), Éléments d’une théorie du design pédagogique en éducation relative à l’environnement. Elaboration d’un supra modèle pédagogique, Thèse de doctorat, Université de Québec.
- UNESCO, (2007) Rôle de l’enseignement et de la formation technique et professionnelle dans le contexte du DD, Etudes de cas des pays arabes .Les études de l’UNEVCO sur EFTP-Numéro 7- juin 2007
- UNESCO (2008) Regional Guiding Framework of Education for Sustainable Development in the Arab Region-UNESCO Regional Bureau-June 2008.
- UNESCO (2010) Document présenté par le groupe de travail sur l’EDD au Canada-12, Janvier2010.
- UNESCO (2005), Rapport sur la mise en oeuvre de la Stratégie nationale de DD en France.