Débat Pédagogique

T É M O I G N A G E

Débat pédagogique sur l’enseignement des sciences à l’institut français de Tripoli

Mounifa Assaf Responsable technique Centre de ressources. TripoliClaire Akiki Conseillère Pédagogique Institut français. Tripoli

Dans le cadre de la coopération linguistique entre l’Ambassade de France au Liban et le CRDP, les acteurs locaux au Liban-Nord ont conçu et mis en oeuvre des actions pédagogiques en lien direct avec les vrais enjeux de l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques en français. L’action pédagogique qui s’est tenue le 13 décembre à l’Institut français de Tripoli en collaboration avec le Centre de ressources-Tripoli (Liban-Nord) a fait dégager les attentes des participants: les Personnes ressources des disciplines scientifiques tous cycles au Liban- Nord, les enseignants des disciplines scientifiques dans le privé et le public ainsi que les formés assidus1. Les conseillers pédagogiques des Instituts français au Liban Claire Akiki (IF Tripoli), Blandine Yasbeck et Didier Colletin (IF Beyrouth) étaient chargés de conduire la séance de travail et de motiver le public

La modalité de travail choisie dans cette rencontre était le débat pédagogique vu que celui-ci offre aux participants une qualité optimale de communication et d’échanges. Il les incite également, de par leurs statuts scientifiques très différents (formateurs, enseignants dans le public et le privé et formés) à suivre, dans cette situation active, des approches ainsi que des entrées variées et différenciées, partant de la confrontation de leurs représentations sur l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques à l’école, au collège et au lycée. Le brassage dans la constitution du groupe des participants était à la base de la conception du public-cible et en étroite relation avec les objectifs du débat ci-dessous.

Amorcer une réflexion se rapportant aux deux axes suivants:

  • la démarche scientifique et la formation des enseignants à cette démarche;
  • le rôle des langues dans l’enseignement des sciences: le français comme langue de scolarisation des disciplines scientifiques et l’arabe comme langue maternelle. Le débat a soulevé quelques questionnements:
  • quelles sont les difficultés liées à la langue dans l’enseignement des disciplines non linguistiques (DNL)?
  • comment l’enseignant gère-t-il, dans l’apprentissage, l’interaction orale avec l’élève? comment gère-t-il la présence de plusieurs langues (arabe, français,Autre)?
  • quel est son rôle par rapport à l’acquisition des compétences langagières spécifiques à sa matière? A-t-il un rôle à prendre dans l’acquisition des compétences langagières générales ? Lequel?

D’autre part, nous avons voulu faire participer à ce débat un public "hétérogène" de par le statut et les fonctions vu que les enseignants s’adressent à des élèves et les formateurs à des pairs. L’enseignant des disciplines scientifiques est chargé de planifier et de mettre en place des stratégies de travail qui fournissent aux élèves l’opportunité d’établir un lien pertinent entre la matière enseignée d’un côté et les domaines de la vie quotidienne d’un autre côté. Ces opportunités structurées amènent les apprenants à appliquer leurs acquis et leurs compétences dans des situations authentiques vécues dans la vie quotidienne. Mettre en pratique n’est-il pas la finalité de tout apprentissage efficace? Par ailleurs, le rôle du formateur des disciplines scientifiques est de mettre l’enseignant-formé-pair dans une situation active faisant appel à un retour réflexif sur ses stratégies de travail ainsi que sur ses pratiques, soit dans la gestion de classe soit dans la création des occasions favorisant aussi bien l’apprentissage en autonomie que le développement de la pensée critique en contexte scolaire.

Déroulement et résultats du débat

1- Mise en situation avec une expérience (dilution du sirop):

  • Les enseignants et les PR ont souligné l’importance de la démarche d’investigation scientifique dans la construction des savoirs (savoir- être et savoir-faire), plus particulièrement dans la phase de l’émission des hypothèses par l’élève qui, par le guidage de l’enseignant, construit son savoir.
  • La phase expérimentale doit aussi donner l’occasion à l’élève de manipuler luimême les matériaux scientifiques
  • Nous avons donc été amenés à débattre de ce qui est important à faire construire par les élèves au niveau des savoirs et sur ce qu’est enseigner les sciences. Tout concourt alors à amener l’élève à argumenter, à développer chez lui l’ espritcritique, l’autonomie, les attitudes et enfin la construction d’un esprit scientifique.

Mais la mise en commun a fait apparaître les problèmes de transfert des formations aux enseignants de sciences.

- Les enseignants se limitent à un enseignement des contenus, car ils ont le souci de » terminer le programme « et de garantir que les élèves ont »fait« tout le manuel avant de passer dans la classe supérieure.

- Ils suivent la » méthode « du livre et font eux-mêmes les expériences proposées. S’il y a émission d’hypothèse, elle vient de l’enseignant.

- Le besoin de formation des enseignants par rapport à l’enseignement des sciences est donc de faire évoluer leurs représentations de ce qu’est enseigner les sciences, de leur rôle en tant qu’enseignants et donc de leur pratique.

2- Débat sur la langue d’enseignement.

Premièrement, lors de l’expérience menée, les enseignants ont utilisé leur langue maternelle et la langue d’enseignement. Ils sont conscients de cette alternance des langues (maternelle et langue de scolarisation) et expliquent qu’elle est présente dans leur classe.

Les participants ont mis en évidence que les élèves peuvent se bloquer si on leur interdit de s’exprimer en arabe et qu’ils n’apprendront pas non plus de la sorte à s’exprimer en français.

Cependant deux opinions se détachent: pour certains, les élèves peuvent travailler dans la langue de leur choix, car la langue libanaise est une langue de communication, le plus important étant de réaliser l’expérience et de faire le compte- rendu de celle-ci. Mais pour d’autres participants à ce débat, les élèves doivent utiliser au maximum la langue de la discipline parce qu’ils auront des problèmes pour s’exprimer dans les examens officiels s’ils utilisent l’arabe.

Il apparaît nécessaire de prendre conscience des facteurs de choix de langue dans l’apprentissage, de la fonction de l’alternance au niveau cognitif. Laurent Gajo, dans ses analyses à partir d’observations de classe, a montré le rôle de l’alternance dans la construction des concepts disciplinaires grâce à la clarification qu’apporte par exemple la reformulation d’une langue vers une autre.

Deuxièmement, les élèves ont des difficultés de compréhension de l’écrit («lecture"  "déchiffrage")Ces difficultés sont transversales aux matières. La compréhension orale est également trop faible, voire manquante et on constate que la traduction français /arabe ne résout pas les problèmes de compréhension et d’expression.

Finalement, les PR et les enseignants considèrent qu’ils sont enseignants de DNL et aussi enseignants de langue.

 

Synthèse et perspectives

Il semble nécessaire, suite à ce débat, de poursuivre l’analyse des besoins en collaboration avec les PR. En effet, on constate que si le diagnostic des pratiques en classe et des difficultés des enseignants est assez précis de leur part, les formations qu’ils proposent ne portent pas leurs fruits.

Un parcours de formation des PR, puis des enseignants de sciences est à mettre en place.

D’après le contexte scolaire libanais, ce parcours proposé aux enseignants doit se placer dans la perspective du plurilinguisme et passer par les mêmes étapes que celles par lesquelles sont passés les formateurs et enseignants de français (formation nationale, Accord cadre), mais en l’adaptant à la spécificité des DNL.

 

Exemple de parcours proposé.

  1. Formation linguistique.

- Sensibilisation à la dimension langagière transversale de la langue et aux genres oraux et écrits les plus utilisés dans les disciplines (M. Cavalli, » language across the curriculum «, Conseil de l’Europe).

- Perfectionnement des compétences langagières dans:

les interactions en classe ;

la dimension discursive relative à la discipline 

la situation d’enseignement interdisciplinaire (disciplines enseignées en français).

- Travail sur le sentiment d’insécurité linguistique.

  1. Formation langagière par la formation méthodologique. L’objectif est de relier les compétences langagières à la méthodologie disciplinaire et de convaincre les enseignants que l’enseignement de leur discipline est possible en langue de scolarisation. Réalisation de séances en classe et évaluation.
  2.  La troisième phase aurait pour objectif d’entrer dans l’enseignement bi-plurilingue préconisé par le CECR et le Conseil de l’Europe. L’enseignement des disciplines dans deux langues de scolarisation, appartenant à une didactique intégrée, devrait répondre aux questionnements et difficultés des enseignants qui enseignent une matière à des élèves qui passent brusquement de l’arabe au français en changeant de cycle ou de classe.

 

Ce débat a déclenché un processus de réflexion et de questionnement sur l’enseignement-apprentissage des sciences ainsi que sur la formation des enseignants de sciences en contexte libanais plurilingue. Les enjeux sont considérables et à nous, acteurs pédagogiques du terrain, de relever le défi.

1Les personnes présentes étaient: les PR Anastasia Aya, Daad Daher, Fadia Hammoud , Elia Assaf, Clément Ghosn et Eva Makhoul. Les enseignants Iman Kabbout, Samira Mourched, Georges Nehmé, Georges el Ahl, Hassan Naboulsi, Samah Orabi, Amani El Mir et Mirna Moussa.

Débat Pédagogique

T É M O I G N A G E

Débat pédagogique sur l’enseignement des sciences à l’institut français de Tripoli

Mounifa Assaf Responsable technique Centre de ressources. TripoliClaire Akiki Conseillère Pédagogique Institut français. Tripoli

Dans le cadre de la coopération linguistique entre l’Ambassade de France au Liban et le CRDP, les acteurs locaux au Liban-Nord ont conçu et mis en oeuvre des actions pédagogiques en lien direct avec les vrais enjeux de l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques en français. L’action pédagogique qui s’est tenue le 13 décembre à l’Institut français de Tripoli en collaboration avec le Centre de ressources-Tripoli (Liban-Nord) a fait dégager les attentes des participants: les Personnes ressources des disciplines scientifiques tous cycles au Liban- Nord, les enseignants des disciplines scientifiques dans le privé et le public ainsi que les formés assidus1. Les conseillers pédagogiques des Instituts français au Liban Claire Akiki (IF Tripoli), Blandine Yasbeck et Didier Colletin (IF Beyrouth) étaient chargés de conduire la séance de travail et de motiver le public

La modalité de travail choisie dans cette rencontre était le débat pédagogique vu que celui-ci offre aux participants une qualité optimale de communication et d’échanges. Il les incite également, de par leurs statuts scientifiques très différents (formateurs, enseignants dans le public et le privé et formés) à suivre, dans cette situation active, des approches ainsi que des entrées variées et différenciées, partant de la confrontation de leurs représentations sur l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques à l’école, au collège et au lycée. Le brassage dans la constitution du groupe des participants était à la base de la conception du public-cible et en étroite relation avec les objectifs du débat ci-dessous.

Amorcer une réflexion se rapportant aux deux axes suivants:

  • la démarche scientifique et la formation des enseignants à cette démarche;
  • le rôle des langues dans l’enseignement des sciences: le français comme langue de scolarisation des disciplines scientifiques et l’arabe comme langue maternelle. Le débat a soulevé quelques questionnements:
  • quelles sont les difficultés liées à la langue dans l’enseignement des disciplines non linguistiques (DNL)?
  • comment l’enseignant gère-t-il, dans l’apprentissage, l’interaction orale avec l’élève? comment gère-t-il la présence de plusieurs langues (arabe, français,Autre)?
  • quel est son rôle par rapport à l’acquisition des compétences langagières spécifiques à sa matière? A-t-il un rôle à prendre dans l’acquisition des compétences langagières générales ? Lequel?

D’autre part, nous avons voulu faire participer à ce débat un public "hétérogène" de par le statut et les fonctions vu que les enseignants s’adressent à des élèves et les formateurs à des pairs. L’enseignant des disciplines scientifiques est chargé de planifier et de mettre en place des stratégies de travail qui fournissent aux élèves l’opportunité d’établir un lien pertinent entre la matière enseignée d’un côté et les domaines de la vie quotidienne d’un autre côté. Ces opportunités structurées amènent les apprenants à appliquer leurs acquis et leurs compétences dans des situations authentiques vécues dans la vie quotidienne. Mettre en pratique n’est-il pas la finalité de tout apprentissage efficace? Par ailleurs, le rôle du formateur des disciplines scientifiques est de mettre l’enseignant-formé-pair dans une situation active faisant appel à un retour réflexif sur ses stratégies de travail ainsi que sur ses pratiques, soit dans la gestion de classe soit dans la création des occasions favorisant aussi bien l’apprentissage en autonomie que le développement de la pensée critique en contexte scolaire.

Déroulement et résultats du débat

1- Mise en situation avec une expérience (dilution du sirop):

  • Les enseignants et les PR ont souligné l’importance de la démarche d’investigation scientifique dans la construction des savoirs (savoir- être et savoir-faire), plus particulièrement dans la phase de l’émission des hypothèses par l’élève qui, par le guidage de l’enseignant, construit son savoir.
  • La phase expérimentale doit aussi donner l’occasion à l’élève de manipuler luimême les matériaux scientifiques
  • Nous avons donc été amenés à débattre de ce qui est important à faire construire par les élèves au niveau des savoirs et sur ce qu’est enseigner les sciences. Tout concourt alors à amener l’élève à argumenter, à développer chez lui l’ espritcritique, l’autonomie, les attitudes et enfin la construction d’un esprit scientifique.

Mais la mise en commun a fait apparaître les problèmes de transfert des formations aux enseignants de sciences.

- Les enseignants se limitent à un enseignement des contenus, car ils ont le souci de » terminer le programme « et de garantir que les élèves ont »fait« tout le manuel avant de passer dans la classe supérieure.

- Ils suivent la » méthode « du livre et font eux-mêmes les expériences proposées. S’il y a émission d’hypothèse, elle vient de l’enseignant.

- Le besoin de formation des enseignants par rapport à l’enseignement des sciences est donc de faire évoluer leurs représentations de ce qu’est enseigner les sciences, de leur rôle en tant qu’enseignants et donc de leur pratique.

2- Débat sur la langue d’enseignement.

Premièrement, lors de l’expérience menée, les enseignants ont utilisé leur langue maternelle et la langue d’enseignement. Ils sont conscients de cette alternance des langues (maternelle et langue de scolarisation) et expliquent qu’elle est présente dans leur classe.

Les participants ont mis en évidence que les élèves peuvent se bloquer si on leur interdit de s’exprimer en arabe et qu’ils n’apprendront pas non plus de la sorte à s’exprimer en français.

Cependant deux opinions se détachent: pour certains, les élèves peuvent travailler dans la langue de leur choix, car la langue libanaise est une langue de communication, le plus important étant de réaliser l’expérience et de faire le compte- rendu de celle-ci. Mais pour d’autres participants à ce débat, les élèves doivent utiliser au maximum la langue de la discipline parce qu’ils auront des problèmes pour s’exprimer dans les examens officiels s’ils utilisent l’arabe.

Il apparaît nécessaire de prendre conscience des facteurs de choix de langue dans l’apprentissage, de la fonction de l’alternance au niveau cognitif. Laurent Gajo, dans ses analyses à partir d’observations de classe, a montré le rôle de l’alternance dans la construction des concepts disciplinaires grâce à la clarification qu’apporte par exemple la reformulation d’une langue vers une autre.

Deuxièmement, les élèves ont des difficultés de compréhension de l’écrit («lecture"  "déchiffrage")Ces difficultés sont transversales aux matières. La compréhension orale est également trop faible, voire manquante et on constate que la traduction français /arabe ne résout pas les problèmes de compréhension et d’expression.

Finalement, les PR et les enseignants considèrent qu’ils sont enseignants de DNL et aussi enseignants de langue.

 

Synthèse et perspectives

Il semble nécessaire, suite à ce débat, de poursuivre l’analyse des besoins en collaboration avec les PR. En effet, on constate que si le diagnostic des pratiques en classe et des difficultés des enseignants est assez précis de leur part, les formations qu’ils proposent ne portent pas leurs fruits.

Un parcours de formation des PR, puis des enseignants de sciences est à mettre en place.

D’après le contexte scolaire libanais, ce parcours proposé aux enseignants doit se placer dans la perspective du plurilinguisme et passer par les mêmes étapes que celles par lesquelles sont passés les formateurs et enseignants de français (formation nationale, Accord cadre), mais en l’adaptant à la spécificité des DNL.

 

Exemple de parcours proposé.

  1. Formation linguistique.

- Sensibilisation à la dimension langagière transversale de la langue et aux genres oraux et écrits les plus utilisés dans les disciplines (M. Cavalli, » language across the curriculum «, Conseil de l’Europe).

- Perfectionnement des compétences langagières dans:

les interactions en classe ;

la dimension discursive relative à la discipline 

la situation d’enseignement interdisciplinaire (disciplines enseignées en français).

- Travail sur le sentiment d’insécurité linguistique.

  1. Formation langagière par la formation méthodologique. L’objectif est de relier les compétences langagières à la méthodologie disciplinaire et de convaincre les enseignants que l’enseignement de leur discipline est possible en langue de scolarisation. Réalisation de séances en classe et évaluation.
  2.  La troisième phase aurait pour objectif d’entrer dans l’enseignement bi-plurilingue préconisé par le CECR et le Conseil de l’Europe. L’enseignement des disciplines dans deux langues de scolarisation, appartenant à une didactique intégrée, devrait répondre aux questionnements et difficultés des enseignants qui enseignent une matière à des élèves qui passent brusquement de l’arabe au français en changeant de cycle ou de classe.

 

Ce débat a déclenché un processus de réflexion et de questionnement sur l’enseignement-apprentissage des sciences ainsi que sur la formation des enseignants de sciences en contexte libanais plurilingue. Les enjeux sont considérables et à nous, acteurs pédagogiques du terrain, de relever le défi.

1Les personnes présentes étaient: les PR Anastasia Aya, Daad Daher, Fadia Hammoud , Elia Assaf, Clément Ghosn et Eva Makhoul. Les enseignants Iman Kabbout, Samira Mourched, Georges Nehmé, Georges el Ahl, Hassan Naboulsi, Samah Orabi, Amani El Mir et Mirna Moussa.

Débat Pédagogique

T É M O I G N A G E

Débat pédagogique sur l’enseignement des sciences à l’institut français de Tripoli

Mounifa Assaf Responsable technique Centre de ressources. TripoliClaire Akiki Conseillère Pédagogique Institut français. Tripoli

Dans le cadre de la coopération linguistique entre l’Ambassade de France au Liban et le CRDP, les acteurs locaux au Liban-Nord ont conçu et mis en oeuvre des actions pédagogiques en lien direct avec les vrais enjeux de l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques en français. L’action pédagogique qui s’est tenue le 13 décembre à l’Institut français de Tripoli en collaboration avec le Centre de ressources-Tripoli (Liban-Nord) a fait dégager les attentes des participants: les Personnes ressources des disciplines scientifiques tous cycles au Liban- Nord, les enseignants des disciplines scientifiques dans le privé et le public ainsi que les formés assidus1. Les conseillers pédagogiques des Instituts français au Liban Claire Akiki (IF Tripoli), Blandine Yasbeck et Didier Colletin (IF Beyrouth) étaient chargés de conduire la séance de travail et de motiver le public

La modalité de travail choisie dans cette rencontre était le débat pédagogique vu que celui-ci offre aux participants une qualité optimale de communication et d’échanges. Il les incite également, de par leurs statuts scientifiques très différents (formateurs, enseignants dans le public et le privé et formés) à suivre, dans cette situation active, des approches ainsi que des entrées variées et différenciées, partant de la confrontation de leurs représentations sur l’enseignement-apprentissage des disciplines scientifiques à l’école, au collège et au lycée. Le brassage dans la constitution du groupe des participants était à la base de la conception du public-cible et en étroite relation avec les objectifs du débat ci-dessous.

Amorcer une réflexion se rapportant aux deux axes suivants:

  • la démarche scientifique et la formation des enseignants à cette démarche;
  • le rôle des langues dans l’enseignement des sciences: le français comme langue de scolarisation des disciplines scientifiques et l’arabe comme langue maternelle. Le débat a soulevé quelques questionnements:
  • quelles sont les difficultés liées à la langue dans l’enseignement des disciplines non linguistiques (DNL)?
  • comment l’enseignant gère-t-il, dans l’apprentissage, l’interaction orale avec l’élève? comment gère-t-il la présence de plusieurs langues (arabe, français,Autre)?
  • quel est son rôle par rapport à l’acquisition des compétences langagières spécifiques à sa matière? A-t-il un rôle à prendre dans l’acquisition des compétences langagières générales ? Lequel?

D’autre part, nous avons voulu faire participer à ce débat un public "hétérogène" de par le statut et les fonctions vu que les enseignants s’adressent à des élèves et les formateurs à des pairs. L’enseignant des disciplines scientifiques est chargé de planifier et de mettre en place des stratégies de travail qui fournissent aux élèves l’opportunité d’établir un lien pertinent entre la matière enseignée d’un côté et les domaines de la vie quotidienne d’un autre côté. Ces opportunités structurées amènent les apprenants à appliquer leurs acquis et leurs compétences dans des situations authentiques vécues dans la vie quotidienne. Mettre en pratique n’est-il pas la finalité de tout apprentissage efficace? Par ailleurs, le rôle du formateur des disciplines scientifiques est de mettre l’enseignant-formé-pair dans une situation active faisant appel à un retour réflexif sur ses stratégies de travail ainsi que sur ses pratiques, soit dans la gestion de classe soit dans la création des occasions favorisant aussi bien l’apprentissage en autonomie que le développement de la pensée critique en contexte scolaire.

Déroulement et résultats du débat

1- Mise en situation avec une expérience (dilution du sirop):

  • Les enseignants et les PR ont souligné l’importance de la démarche d’investigation scientifique dans la construction des savoirs (savoir- être et savoir-faire), plus particulièrement dans la phase de l’émission des hypothèses par l’élève qui, par le guidage de l’enseignant, construit son savoir.
  • La phase expérimentale doit aussi donner l’occasion à l’élève de manipuler luimême les matériaux scientifiques
  • Nous avons donc été amenés à débattre de ce qui est important à faire construire par les élèves au niveau des savoirs et sur ce qu’est enseigner les sciences. Tout concourt alors à amener l’élève à argumenter, à développer chez lui l’ espritcritique, l’autonomie, les attitudes et enfin la construction d’un esprit scientifique.

Mais la mise en commun a fait apparaître les problèmes de transfert des formations aux enseignants de sciences.

- Les enseignants se limitent à un enseignement des contenus, car ils ont le souci de » terminer le programme « et de garantir que les élèves ont »fait« tout le manuel avant de passer dans la classe supérieure.

- Ils suivent la » méthode « du livre et font eux-mêmes les expériences proposées. S’il y a émission d’hypothèse, elle vient de l’enseignant.

- Le besoin de formation des enseignants par rapport à l’enseignement des sciences est donc de faire évoluer leurs représentations de ce qu’est enseigner les sciences, de leur rôle en tant qu’enseignants et donc de leur pratique.

2- Débat sur la langue d’enseignement.

Premièrement, lors de l’expérience menée, les enseignants ont utilisé leur langue maternelle et la langue d’enseignement. Ils sont conscients de cette alternance des langues (maternelle et langue de scolarisation) et expliquent qu’elle est présente dans leur classe.

Les participants ont mis en évidence que les élèves peuvent se bloquer si on leur interdit de s’exprimer en arabe et qu’ils n’apprendront pas non plus de la sorte à s’exprimer en français.

Cependant deux opinions se détachent: pour certains, les élèves peuvent travailler dans la langue de leur choix, car la langue libanaise est une langue de communication, le plus important étant de réaliser l’expérience et de faire le compte- rendu de celle-ci. Mais pour d’autres participants à ce débat, les élèves doivent utiliser au maximum la langue de la discipline parce qu’ils auront des problèmes pour s’exprimer dans les examens officiels s’ils utilisent l’arabe.

Il apparaît nécessaire de prendre conscience des facteurs de choix de langue dans l’apprentissage, de la fonction de l’alternance au niveau cognitif. Laurent Gajo, dans ses analyses à partir d’observations de classe, a montré le rôle de l’alternance dans la construction des concepts disciplinaires grâce à la clarification qu’apporte par exemple la reformulation d’une langue vers une autre.

Deuxièmement, les élèves ont des difficultés de compréhension de l’écrit («lecture"  "déchiffrage")Ces difficultés sont transversales aux matières. La compréhension orale est également trop faible, voire manquante et on constate que la traduction français /arabe ne résout pas les problèmes de compréhension et d’expression.

Finalement, les PR et les enseignants considèrent qu’ils sont enseignants de DNL et aussi enseignants de langue.

 

Synthèse et perspectives

Il semble nécessaire, suite à ce débat, de poursuivre l’analyse des besoins en collaboration avec les PR. En effet, on constate que si le diagnostic des pratiques en classe et des difficultés des enseignants est assez précis de leur part, les formations qu’ils proposent ne portent pas leurs fruits.

Un parcours de formation des PR, puis des enseignants de sciences est à mettre en place.

D’après le contexte scolaire libanais, ce parcours proposé aux enseignants doit se placer dans la perspective du plurilinguisme et passer par les mêmes étapes que celles par lesquelles sont passés les formateurs et enseignants de français (formation nationale, Accord cadre), mais en l’adaptant à la spécificité des DNL.

 

Exemple de parcours proposé.

  1. Formation linguistique.

- Sensibilisation à la dimension langagière transversale de la langue et aux genres oraux et écrits les plus utilisés dans les disciplines (M. Cavalli, » language across the curriculum «, Conseil de l’Europe).

- Perfectionnement des compétences langagières dans:

les interactions en classe ;

la dimension discursive relative à la discipline 

la situation d’enseignement interdisciplinaire (disciplines enseignées en français).

- Travail sur le sentiment d’insécurité linguistique.

  1. Formation langagière par la formation méthodologique. L’objectif est de relier les compétences langagières à la méthodologie disciplinaire et de convaincre les enseignants que l’enseignement de leur discipline est possible en langue de scolarisation. Réalisation de séances en classe et évaluation.
  2.  La troisième phase aurait pour objectif d’entrer dans l’enseignement bi-plurilingue préconisé par le CECR et le Conseil de l’Europe. L’enseignement des disciplines dans deux langues de scolarisation, appartenant à une didactique intégrée, devrait répondre aux questionnements et difficultés des enseignants qui enseignent une matière à des élèves qui passent brusquement de l’arabe au français en changeant de cycle ou de classe.

 

Ce débat a déclenché un processus de réflexion et de questionnement sur l’enseignement-apprentissage des sciences ainsi que sur la formation des enseignants de sciences en contexte libanais plurilingue. Les enjeux sont considérables et à nous, acteurs pédagogiques du terrain, de relever le défi.

1Les personnes présentes étaient: les PR Anastasia Aya, Daad Daher, Fadia Hammoud , Elia Assaf, Clément Ghosn et Eva Makhoul. Les enseignants Iman Kabbout, Samira Mourched, Georges Nehmé, Georges el Ahl, Hassan Naboulsi, Samah Orabi, Amani El Mir et Mirna Moussa.